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CONSEIL D’ÉTAT, 17-24

tout le contentieux administratif aux tribunaux civils ; les autres de créer une juridiction administrative spéciale, distincte du Conseil d’État, dont les membres seraient inamovibles.

17. Aussi le gouvernement de Juillet s’appliqua, en réorganisant le Conseil, à donner des garanties aux justiciables. Déjà l’ordonnance du 1er juin 1828, sur les conflits d’attributions, avait remédié aux abus qui s’étaient produits en cette matière. Les ordonnances du 2 février et du 12 mars 1831 organisèrent pour le jugement des conflits et des affaires contentieuses la publicité des audiences, le droit pour les avocats d’ajouter des observations orales à leurs mémoires, l’institution d’un ministère public donnant ses conclusions sur toutes les affaires. Les membres du service extraordinaire cessèrent d’être appelés à siéger dans l’assemblée du Conseil d’État quand elle délibérait sur les affaires contentieuses.

18. En même temps, le Gouvernement cherchait à faire consacrer l’institution du Conseil par une loi. Des projets avaient été présentés dans ce but en 1833, 1836, 1839, 1843. Ils rencontraient de vives résistances. En attendant, une ordonnance royale du 18 septembre 1839, suivie d’un règlement intérieur du 19 juin 1840, avait réorganisé le Conseil. La publication quinquennale du compte rendu des travaux du Conseil d’État, entreprise à partir de 1835 avait éclairé les Chambres et le public sur les services que rendait ce grand corps, où se faisaient remarquer, sous la présidence de M. Girod (de l’Ain), des hommes comme MM. Maillard, Vivien, Dumon, Vitet, Legrand, Macarel, de Chasseloup-Laubat. Plusieurs lois d’intérêt général et toutes les lois d’intérêt local avaient été préparées par le Conseil d’État. À diverses reprises, des conseillers d’État avaient été désignés pour soutenir la discussion des lois devant les Chambres.

19. La loi du 19 juillet 1845 rendit enfin au Conseil d’État le caractère d’une des institutions fondamentales du pays. On avait profité de l’expérience acquise pour réaliser le type du Conseil d État de la monarchie constitutionnelle. Le Conseil pouvait être consulté sur les projets de loi, mais il était surtout occupé des affaires administratives et contentieuses. La juridiction administrative suprême lui était conservée dans les conditions anciennes. Les garanties établies au profit des justiciables dans les ordonnances de 1831 étaient consacrées ; en outre, d’après l’art. 24 de la loi de 1845, si la décision royale, prise en matière contentieuse, n’était pas conforme à l’avis du Conseil, elle devait être rendue de l’avis du conseil des ministres, et insérée au Moniteur et au Bulletin des lois. Quant à l’organisation, on y retrouvait les éléments antérieurs, les ministres, les conseillers d’État, les maîtres des requêtes, les auditeurs. La présidence appartenait au garde des sceaux, ministre de la justice. Un vice-président était nommé par le roi. Les ministres avaient la présidence du comité correspondant à leur département ministériel. Pour les conseillers d’État et les maîtres des requêtes, la division du service ordinaire et du service extraordinaire était maintenue. Il y en avait 30 de chaque catégorie. Toutefois, pour éviter les abus qui s’étaient produits à diverses reprises et qui avaient altéré la composition du Conseil d’État et enlevé à quelques-unes de ses décisions leur autorité, la loi disposait que le nombre des conseillers en service extraordinaire, appelés à participer aux travaux du Conseil, ne pouvait dépasser les deux tiers du nombre des conseillers en service ordinaire. Les auditeurs étaient divisés en deux classes. Ils devaient justifier de leur capacité par un examen passé devant une commission spéciale.

20. La division du Conseil en comités était laissée à une ordonnance royale. À cette époque, il y avait six comités : le comité du contentieux présidé par le vice-président du Conseil d’État, le comité de législation correspondant au ministère de la justice et des cultes et à celui des affaires étrangères, chargé en outre d’attributions spéciales ; le comité de la guerre et de la marine ; le comité de l’intérieur et de l’instruction publique ; le comité du commerce, de l’agriculture et des travaux publics ; le comité des finances.

21. La loi du 19 juillet 1845 ne fut pas appliquée longtemps. La Constitution de 1848 amena la création d’un nouveau type de Conseil d’État. On rompait avec la tradition, aussi bien pour les attributions que pour la nomination des principaux membres du Conseil.

Ainsi que l’expliquait M. Vivien, dans son rapport sur la loi du 3 mars 1849 : « Le Conseil d’État, suppléait en partie à une seconde Chambre et faisait l’office du Conseil d’État de la monarchie, mais il n’était ni une seconde Chambre, ni le Conseil d’État de la monarchie. »

22. D’après la loi du 3 mars 1849, le Conseil était appelé à participer largement à la préparation des lois. Le Gouvernement était tenu de lui soumettre tous ses projets de loi, sauf les lois de finances, celles qui portaient ratification de traités et les projets d’urgence. Il pouvait lui confier le soin de rédiger des projets de loi sans lui en fournir les bases et le consulter sur les projets d’initiative parlementaire. De son côté, l’Assemblée nationale pouvait lui demander son avis sur les projets d’initiative parlementaire et sur les projets émanés du Gouvernement qui n’avaient pas été soumis à son examen.

23. À l’égard des règlements d’administration publique, le Conseil pouvait recevoir une délégation directe de l’Assemblée, et il devait préparer tous les autres règlements sur le renvoi du Gouvernement. Il était appelé, tant par la loi nouvelle que par la Constitution, à donner son avis sur l’exercice du droit de grâce. La dissolution des conseils généraux et des conseils municipaux, et la révocation des maires élus par les conseils municipaux, ne pouvait être prononcée par le président de la République que de l’avis du Conseil, c est-à-dire conformément à son avis. (Ordre du jour interprétatif du 2 mars 1849.) Enfin, l’Assemblée nationale et le président de la République pouvaient lui déférer l’examen des actes de tout fonctionnaire autre que le président de la République.

24. Les attributions administratives du Conseil étaient maintenues. Quant au contentieux administratif et aux conflits, il y avait de graves innovations. Le Conseil d’État avait un pouvoir propre de juridiction pour statuer sur le conten-