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CONSEIL D’ÉTAT, 5-10

tinctes ayrat chacune un personnel spécial. Le Conseil d’État proprement dit, ou Conseil d’en haut, s’occupait des affaires politiques et diplomatiques. Le conseil des dépêches délibérait sur les questions d’administration intérieure et de police. Il statuait notamment sur les réclamations formées contre les actes des intendants en cette matière. Le conseil des finances et du commerce examinait les mesures législatives et administratives relatives aux impôts et au commerce. Quant au contentieux des finances, il était jugé par des commissions rattachées au conseil des finances. Le conseil privé ou des parties remplissait avant tout des fonctions analogues à celles qui sont exercées aujourd’hui par la Cour de cassation. Il réglait les conflits qui s’élevaient entre les différentes juridictions, il cassait les arrêts des parlements qui lui étaient dénoncés comme contraires aux lois ou aux ordonnances. Il avait le même pouvoir à l’égard des décisions rendues par les commissions extraordinaires composées de membres du Conseil d’État et instituées pour statuer sur des affaires spéciales.

5. Le chancelier ou le garde des sceaux avait la présidence des conseils autres que le conseil d’en haut. En faisaient partie, en outre : les secrétaires d’État, mais ils n’avaient pas tous entrée dans tous les conseils, puis des personnages qui portaient le nom de ministres d’État et qui étaient désignés spécialement comme membres du conseil d’en haut ; ensuite les conseillers d’État appartenant à diverses catégories, les uns d’Église, les autres d’épée, la plupart de robe, appelés à siéger, soit toute l’année, soit par semestre, et dont le nombre total était, en 1789, de 42 ; enfin les maîtres des requêtes au nombre de 78 et qui siégeaient à tour de rôle par quartier. Les conseillers d’État délibéraient, les maîtres des requêtes faisaient les rapports.

Les conseillers d’État et les maîtres des requêtes ne participaient, en général, qu’aux travaux du conseil des parties et des nombreuses commissions qui se rattachaient au Conseil d’État.

6. Les principaux règlements qui ont organisé le mode de procéder du Conseil avant 1789 sont ceux du 30 juin 1597, du 27 février 1660, du 17 juin 1687 et du 28 juin 1738. Ce dernier, préparé par d’Aguesseau, est encore appliqué par la Cour de cassation et il a été imité dans le décret du 22 juillet 1806 sur la procédure à suivre devant le Conseil d’État actuel.

7. Ce n’est pas en quelques lignes qu’on peut faire apprécier l’étendue de l’œuvre accomplie par le Conseil d’État de l’ancienne monarchie. Les grandes réformes législatives accomplies sous Louis XIV par les ordonnances sur la procédure civile et criminelle, les eaux et forêts, le commerce, la marine, y ont été élaborées. L’influence du Conseil d’État a été plus sensible encore dans l’administration. Ainsi, à partir du moment où le pouvoir central a exercé une action en cette matière, c’est-à-dire depuis le règne d’Henri IV, il est intervenu un nombre considérable d’arrêts du Conseil sur la voirie, la navigation, le dessèchement des marais, etc., dont les dispositions sont pour la plupart encore en vigueur.

8. La révolution de 1789 devait faire disparaître pour un temps le Conseil d’État. Le 9 août 1789, une ordonnance de Louis XVI avait remanié l’organisation de ce grand corps. Le Conseil d’État proprement dit était réuni au conseil des dépêches et à celui des finances et du commerce. Le contentieux des affaires provinciales devait être examiné dans un comité spécial constitué sur le modèle du comité contentieux des finances.

L’assemblée constituante ne trouva pas cette réforme suffisante. Le conseil des parties fut supprimé et remplacé par le Tribunal de cassation, en vertu de la loi des 27 novembre-1er décembre 1790 ; puis la loi des 27 avril-25 mai 1791 supprima les conseillers d’État et les maîtres des requêtes ; elle donna le titre de Conseil d’État au conseil des ministres, en le chargeant notamment de discuter les motifs qui pouvaient nécessiter l’annulation des actes irréguliers des corps administratifs et la suspension de leurs membres.

9. Mais la Constitution du 22 frimaire an VIII rendit au Gouvernement un auxiliaire indispensable. L’art. 52 de cette Constitution établissait un Conseil d’État chargé, sous la direction des Consuls, de rédiger les projets de loi et les règlements d’administration publique et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière d administration. L’arrête du 5 nivôse an VIII portant règlement sur l’organisation du Conseil d’État, ajoutait que les conseillers d’État désignés par le Gouvernement présenteraient les projets de loi et soutiendraient la discussion devant le Tribunat et le Corps législatif ; que le Conseil d’État développerait le sens des lois, sur le renvoi des Consuls, et qu’il prononcerait, d’après un semblable renvoi : 1° sur les conflits qui peuvent s’élever entre l’administration et les tribunaux ; 2° sur les affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise aux ministres.

Ainsi le Conseil d’État était appelé à jouer un râle considérable dans la législation, non-seulement en préparant et discutant les projets de lois, mais aussi en interprétant les actes législatifs antérieurs par des avis qui, lorsqu’ils étaient approuvés par le Chef de l’État et insérés au Bulletin des lois, avaient force de loi. Il était chargé d’éclairer l’administration dans sa marche journalière et de lui tracer des règles de conduite. Il devait enfin préparer les décisions du Chef de l’État qui statuaient sur le contentieux administratif, sur les réclamations dirigées par les citoyens contre l’administration. L’art. 75 de la Constitution de l’an VIII l’avait en outre chargé de statuer sur les demandes formées à l’effet d’obtenir l’autorisation de poursuivre devant les tribunaux les agents du Gouvernement autres que les ministres. Le décret du 11 juin 1806 lui attribua le pouvoir de connaître des affaires de haute police administrative, c’est-à-dire de prononcer sur la conduite des fonctionnaires déférés à son examen. Enfin la loi du 18 germinal an X lui confiait le soin de statuer sur les recours pour abus en matière ecclésiastique.

10. L’organisation du personnel du Conseil d’État sous le Consulat et l’Empire ne se développa que peu à peu. Au début (Arr. 5 niv. an VIII), ce personnel se composait exclusivement de conseillers d’État. Les ministres avaient entrée au Conseil, mais n’y avaient pas voix délibérative.