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CONFLIT, 184-185

aussi, dans la plupart des cas, la décision se borne à compenser les dépens, ou bien à y condamner à l’avance celle des parties qui succombera en fin de cause.

CHAP. III. DU CONFLIT EN ALGÉRIE ET DANS LES COLONIES.

Sect. 1. Du conflit en Algérie.

184. L’exercice et le mode de jugement du conflit positif en Algérie sont aujourd hui réglés par un arrêté du président de la République, du 30 décembre 1848, ainsi conçu :

« Vu les lois des 7-14 octobre 1790, 21 fructidor an III, et l’arrêté du 13 brumaire an X ; vu les ordonnances des 1er  juin 1828 et 12 mars 1831 le Conseil d’État entendu, etc.

« Art. 1er . En Algérie, le conflit d’attributions entre les tribunaux et l’autorité administrative ne sera jamais élevé en matière criminelle.

« Art. 2. Il ne pourra être élevé de conflit en matière de police que dans les deux cas suivants 1o lorsque la répression du délit est attribuée à l’autorité administrative par une disposition, soit des lois générales, soit des ordonnances on arrêtés ayant force de loi en Algérie ; 2° lorsque le jugement à rendre par le tribunal dépendra d’une question préjudicielle (font la connaissance appartiendrait à l’autorité administrative par une disposition, soit des lois générales, soit des ordonnances ou arrêtés ayant force de loi en Algérie. Dans ce dernier cas, le conflit ne pourra être élevé que sur la question préjudicielle.

« Art. 3. Ne donneront pas lieu au conflit 1° le défaut d’autorisation, soit de la part du Gouvernement, lorsqu’il s’agit de poursuites contre ses agents, soit de la part du conseil de préfecture, lorsqu’il s’agira de contestations judiciaires dans lesquelles son autorisation est nécessaire ; 2o le défaut d’accomplissement des formalités à remplir devant l’administration, préalablement aux poursuites judiciaires.

« Art. 4. Hors le cas prévu ci-après par le dernier paragraphe de l’art. du présent arrêté, il ne pourra jamais être élevé de conflit après des jugements rendus en dernier ressort ou acquiescés ni après des arrêts définitifs. Néanmoins, le conflit pourra être élevé en cause d’appel, s’il ne l’a pas été en première instance, ou s’il l’a été irrégulièrement après les délais prescrits par l’art. 8 du présent arrêté.

« Art. 5. Le conflit d’attributions ne pourra être élevé que dans les formes et de la manière- déterminées par les articles suivants.

« Art. 6. Lorsqu’un préfet estimera que la connaissance d’une question portée devant un tribunal de première instance nu devant la cour d’appel est attribuée à l’autorité administrative par une disposition, suit des lois générales, soit des ordonnances ou arrêtés ayant force de loi en Algérie, il pourra, alors même que 1’aiiruinistration ne serait pas en cause, demander le renvoi de l’affaire devant l’autorité compétente. À cet effet, le préfet adressera au procureur de la République ou au procureur général un mémoire dans lequel sera rapportée la disposition, soit des lois générales, soit des ordonnances ou arrêtés ayant force de loi en Algérie, qui attribue la connaissance du litige à l’autorité Dans la quinzaine de la réception du mémoire, ou immédiatement, si la cause est au rôle, le procureur de la République ou le procureur général fera connaître au tribunal ou à la cour la demande formée par le préfet. Il requerra le renvoi si la revendication lui paraît fondée.

« Art. 7. Après que le tribunal oh la cour aura statué sur le déclinatoire, le procureur de la République ou le procureur général adressera au préfet, dans les cinq jours qui suivront le jugement ou l’arrêt, copie de ses conclusions ou réquisitions et du jugement on de l’arrêt rendu sur la compétence. La date de l’envoi sera consignée sur un registre tenu à cet effet au parquet.

« Art. 8. Si le déclinatoire est rejeté, le préfet, s’il estime qu’il y ait lieu, pourra élever le conflit dans.le mois de l’envoi, pour tout délai. Si le déclinatoire est admis, le préfet pourra également et sans qu’il soit tenu de proposer un nouveau déclinatoire, élever le conflit dans le mois qui suivra la signification de l’acte d’appel, si la partie interjette appel du jugement. Le conflit pourra être élevé dans ledit délai, alors même que le tribunal ou la cour aurait, avant l’expiration de ce délai, passé outre au jugement du fond.

« Art. 9. Dans tous les cas, l’arrêté par lequel le préfet élèvera le conflit et revendiquera la pause devra viser le jugement intervenu, et l’acte d’appel, s’il y a lieu : la disposition soit des lois générales, soit des ordonnances ou arrêtés ayant force de loi en Algérie, qui attribue à l’administration la connaissance du point litigieux, y sera textuellement insérée.

« Art. 10. Lorsque le préfet aura élevé le conflit, il sera tenu de faire déposer son arrêté et les pièces y visées an greffe du tribunal ou de la cour. Il lui sera donné récépissé de ce dépôt sans délai et sans frais.

« Art. 11. Si dans le délai d’un mois cet arrêté n’a pas été déposé au greffe, le conflit ne pourra plus être élevé devant le tribunal saisi de l’affaire.

« Art. 12. Après le dépôt au greffe de l’arrêté, le greffier le remettra immédiatement au procureur de la République ou au procureur général, qui le communiquera au tribunal ou à la cour, dans la chambre du conseil, et requerra que, conformément à l’art. 27 de la loi du 21 fructidor an III, il soit sursis à toute procédure judiciaire.

« Art. 13. Après la communication ci-dessus, l’arrêté du préfet et les pièces seront rétablis au greffe, où ils resteront déposés pendant quinze jours. te procureur de la République ou le procureur général en préviendra de suite les parties ou leurs défenseurs, lesquels pourront en prendre communication sans déplacement et remettre, dans le même délai de quinzaine, au parquet du procureur de la République ou du procureur général, leurs observations sur la question de compétence, avec tous les documents à l’appui.

« Art. 14. Le rapport sur les conflits ne pourra être présenté qu’après la production des piéees ci-après énoncées, savoir la citation, les conclusions des parties, le déclinatoire proposé par le préfet, le jugement de compétence, l’arrêté de conflit. À l’expiration du délai fixé par l’art. 13, ces pièces seront adressées, par le procureur de la République ou par le procureur général, au ministre de la justice, qui devra lui adresser, par le plus prochain courrier, un récépissé énonciatif des pièces envoyées, lequel sera déposé au greffe du tribunal ou de la cour. Dans les 24 heures de la réception de ces pièces, le ministre de la justice en donnera communication au ministre de la guerre, pour avoir ses observations. Dans quinze jours, pour tout délai, ces observations seront transmises au ministre de la justice qui en fera le renvoi immédiatement an secrétariat de l’autorité chargée de statuer sur les conflits.

« Art. 15. Il sera statué sur le conflit dans le délai de trois mois, à dater de la réception des pièces au ministère de la justice.

« Art. 16. Si, quarante jours après l’expiration du délai fixé par l’article précédent, l’autorité judiciaire n’a pas reçu notification de la décision rendue sur le conflit, elle pourra procéder au jugement de l’affaire.

« Art. 17. Au cas où le conflit serait élevé dans les matières correctionnelles comprises dans l’exception prévue par l’art. 2 du présent arrêté, il sera procédé conformément aux art. 6, 7 et 3. »

185. On voit que cet arrêté est presque entièrement calqué sur les ordonnances des 1er juin 1828 et 12 mars 1831. Remarquons seulement : l° que les art. 2, 6 et 9, pour prévenir toute difficulté, appliquent le droit et l’obligation d’élever le conflit à tous les cas où la revendication administrative peut s’appuyer sur une disposition législative dans le sens local du mot, c’est-à-dire sur une disposition, soit des lois générales, soit des ordonnances ou arrêtés ayant force de loi en Algérie ; 2° que le § 3 de l’art. 6, comblant une lacune de l’ordonnance de 1828 fixe un délai dans lequel le ministère public doit faire connaître le déclinatoire au tribunal ou à la cour ; 3° que le § 1er de l’art. 8 porte à un mois le délai de quinzaine établi, pour ce cas, par l’ordonnance de 1828 ; 4° que le § 2 du même article consacre expressément la faculté d’élever le conflit, dans le cas qu’il prévoit, sans nouveau déclinatoire ; 5° que les art. 15 et 16 portent à trois mois et à 40 jours les délais de deux et d’un mois, établis par l’art. 7 de l’ordonnance de 1831.

Sauf ces différences, les solutions consacrées par la jurisprudence à l’égard des conflits élevés en France s’appliqueraient généralement aux conflits élevés en Algérie. Remarquons, en outre, que, quoique l’arrêté du 30 décembre 1848 semble réserver exclusivement aux préfets le droit de proposer le déclinatoire et d’élever le conflit, ce droit ne peut pas être contesté aux généraux qui, dans les territoires militaires de l’Algérie, remplissent les fonctions de préfet. C’est ce qui a été implicitement reconnu par diverses décisions. (7 août 1856, 17 mai 1865, etc.)