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CONFLIT, 179-183

faut que les parties aient le moyen de trouver des juges. Telle était la jurisprudence ou plutôt la pratique constante avant 1849 les art. 17 et suivants du règlement du 26 octobre 1849 l’ont consacrée, en s’abstenant de fixer aucun délai.

179. Sur ce point, du reste, il convient de rappeler une distinction essentielle. Déjà nous avons dit que les parties, lorsqu’elles se trouvent en présence de deux déclarations d’incompétence définitives, mais nun en dernier ressort, ont le choix entre deux voies : elles peuvent agir immédiatement par la voie du conflit négatif ; mais elles peuvent aussi attaquer par appel l’une ou l’autre des décisions intervenues. Or, il est bien vrai qu’il n’y a pas de délai pour former le premier de ces recours ; mais, en revanche, le second demeure soumis aux règles ordinaires, et il suit de là que, si l’une des parties avait fait signifier à l’autre le jugement ou la décision d’incompétence, ce jugement ou cette décision cesserait d’être susceptible d’appel après l’expiration des délais de droit, sans préjudice de la faculté qui appartiendrait encore à la partie intéressée de procéder par voie de conflit négatif.

En second lieu, le recours de la partie qui se constitue demanderesse doit être communiqué àla partie adverse, conformément aux art. 20 et 21 du règlement du 26 octobre 1849. L’accomplissement de cette formalité entralnerait-il la déchéance du recours, par analogie de l’art. 12 du décret du 22 juillet 1806 sur le Conseil d’État ? Une décision du 2à juin 1819 avait résolu cette question négativement, sous l’empire de ce décret, par le motif que les parties, après la déchéance prononcée, demeureraient toujours sans juges et demeureraient dés lors fondées à introduire une nouvelle demande en règlement du conflit négatif qui subsisterait. Le cas échéant, il nous semble que la question, même aujourd’hui, pourrait encore recevoir la même solution.

Quant au délai que l’art. 23 du règlement de 1849 assigne au défendeur pour fournir sa défense, il est clair que, si le défendeur ne comparaissait pas, le Tribunal des conflits pourrait statuer par défaut à son égard ; seulement la décision ainsi survenue ne serait pas susceptible d opposition, l’art. 10 du même règlement étant compris dans les dispositions communes aux conflits positifs et aux conflits négatifs.

180. Le préfet ne peut, ainsi que nous l’avons dit, prendre, en cette qualité, un arrêté ayant pour objet d’élever un confiit négatif. Mais, s’il était en cause comme partie, il pourrait, à ce titre, saisir le Conseil d’État. Le cas se présenterait, par exemple, dans les instances que le préfet suivrait au nom d’un département car, dans celles qu’il suivrait au nom de l’État, ce ne serait pas à lui qu’il appartiendrait d’agir, ce serait au ministre dans les attributions duquel serait placé le service qui aurait donné lieu au litige. (Art. 18 du règlement de 1849.)

181. Les ministres ne peuvent, d’ailleurs, en thèse générale, demander le règlement d’un conflit négatif que dans le même cas, c’est-à-dire comme parties. L’art. 19 du règlement du 26 octobre 1849 a fait une exception, plus apparente que réelle, à cette Aux termes de cet article, lorsque la déclaration d’incompétence émane, d’une part, de l’autorité administrative, de l’autre, d’un tribunal statuant en matière de simple police ou de police correctionnelle, le recours peut, en outre, être formé par le ministre de la justice. Mais cette disposition, déjà consacrée par la jurisprudence du Conseil d’État (15 août 1839 ; 6 nov. 1839), n’est que l’application de principes ordinaires du droit. Dans les matières d’intérêt civil, les parties privées ont seules l’initiative de l’action ; si donc elles viennent à être arrêtées par l’abstention des juges qu’elles on saisis, c’est à elles à faire lever cet obstacle, il suffit de leur en ouvrir les moyens. Dans les matières correctionnelles ou de simple police, au contraire, les parties privées peuvent bien prendre encore l’initiative par la voie de la citation directe[1], mais cette voie n’est pas exclusive, le ministère public ou l’administration peut agir en dehors des parties elles-mêmes, et il faut que le cours de la justice puisse, le cas échéant, être rétabli par l’intermédiaire du représentant le plus élevé de l’intérêt public au nom duquel l’action, dans ce cas, a été intentée. Le droit du ministre de la justice, à cet égard, n’exclurait d’aillenrs pas le droit des parties, si la poursuite avait été introduite par une partie.

182. Lorsque les différentes conditions à la réunion desquelles est subordonnée l’existence du conflit négatif sont remplies, le juge des conflits renvoie les parties à se pourvoir devant celle des deux autorités qui s’est mal à propos déclarée incompétente.

Du reste, le renvoi de l’affaire devant le tribunal qui avait été saisi ne lie pas ce tribunal sur les questions de compétence qui n’étaient pas engagées dans le règlement du conflit négatif : il n’empéche pas de soutenir, par exemple, que ce tribunal est incompétent ratione personæ, ou même ratione materiæ si cette dernière prétention, sans remettre en question la compétence judiciaire par opposition à la compétence administrative se renferme dans la sphère judiciaire, en se fondant, par exemple, sur ce qu’il s’agit d’une matière commerciale et non d’une matière civile, etc.

183. Nous n’avons pas, au surplus, à déduire ici toutes les conséquences qui découleraient de ce principe que le conflit négatif constitue une affaire contentieuse. Il suit de là, spécialement 1o que les décisions rendues en cette matière doivent donner lieu à la perception du droit d’enregistrement établi par l’art. 47 de la loi du 28 avril 1816 ; 2° qu’elles peuvent contenir une condamnation aux dépens, si les parties y ont conclu. Il convient pourtant de remarquer, sur ce dernier point, que, lorsqu’il y a, en effet, conflit négatif, il n’y aurait habituellement pas de raisons de condamner l’une des parties plutôt que l’autre aux dépens faits pour arriver à vider ce conflit ;

  1. Le conflit négatif ne serait pas possible dans les matières criminelles proprement dites car la répression des crimes n’appartient pas à l’administration. Mais il peut se produire, en matière correctionnelle ou de simple police, soit sur l’action de l’administration, soit même quelquefois sur celle des parties : car toute partie a le droit de citation directe devant les tribunaux judiciaires en ces matières, et, même en matière administrative, certaines parties ont aussi ce droit ; il en est ainsi, par exemple, des compagnies concessionnaires du canal du Midi, des canaux d’Orléans et du Loing, etc.