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AGENTS DE CHANGE, 4-8.

homie sut se créer une clientèle parmi les négociants, put se dire courtier, tant de change et deniers que de draps, de soie, laines, toiles, etc. (telle était la qualification d’usage), et en exercer l’industrie. Charles IX, restreignant le premier l’indépendance du commerce quant au choix de ses auxiliaires, érigea, par l’édit de juin 1572, le courtage en titre d’office et obligea, sous peine de châtiment corporel et d’amende arbitraire, tous courtiers à prendre lettres de provisions royales, pour être après reçus par les baillis et sénéchaux ou leurs lieutenants et autres juges de lieux. L’édit, au surplus, n’impose aux courtiers nulle condition d’admissibilité ; il ne limite pas leur nombre et partant donne peu de prise à la critique. Il se fonde sur les infinis abus et malversations que l’ancien état de choses avait favorisés et que rend effectivement probables le désordre général de l’époque. D’ailleurs, l’esprit administratif était alors tourné vers les constitutions d’offices. Les besoins du Trésor poussaient le Gouvernement dans cette voie, et la fiscalité savait profiter promptement des mesures même qu’elle n’avait pas inspirées. Dans l’espèce, son influence ne tarda pas à se faire sentir. Après avoir, par un arrêt du Conseil du 15 avril 1595, confirmé l’édit de 1572, aggravé la pénalité en cas de contravention, et spécifié le nombre des courtiers dans les principales villes du royaume, Henri IV, par un autre arrêt du Conseil du 17 mai 1598, posa en principe que les courtiers seraient tenus de payer finance à l’État. Bientôt on exigea un supplément de finance, en échange duquel les offices devinrent héréditaires.

4. À partir de ce moment, les actes de l’autorité supérieure, soit généraux, soit spéciaux à la ville de Paris, se multiplièrent sur la matière. La plupart eurent pour objet, dans le cours du dix-septième siècle, d’accroître le nombre des offices. Les seuls qui aient quelque importance sont l’arrêt du Conseil de décembre 1638, qui créa à Paris un syndicat de deux membres, élus par la Compagnie, pour tenir la main à l’exécution des règlements ; l’arrêt du Conseil du 2 avril 1639, qui, sans diviser en deux professions le courtage du change et celui des marchandises, substitua à l’ancienne dénomination des courtiers, le titre d’agents de banque et change ; l’arrêt du Conseil du 7 octobre 1645, qui prononça l’incompatibilité entre l’état de faillite et la profession d’agent de change ; enfin, l’ordonnance du commerce de mars 1673, qui renouvela expressément et sanctionna de la peine de destitution l’antique interdiction faite par l’usage aux agents de change d’exercer pour leur compte le commerce dans lequel ils se portent intermédiaires. On trouve ici le germe de plusieurs règles qui sont encore en vigueur de notre temps.

5. L’organisation des agents de change subit, en 1705, un bouleversement complet. Un édit du mois de décembre supprima, sauf à Bordeaux et à Marseille, toutes les charges qui existaient et les remplaça par 116 nouveaux offices, taxés au capital de 60,000 livres, que les titulaires auraient à payer au Trésor, et pour lequel ils recevraient un traitement de 5 p. cent. Ces offices furent bientôt détruits, ceux de province par un édit du 26 mai 1707, et ceux de Paris par un édit d’août 1708, qui institua à leur lieu et place quarante nouveaux offices à titre héréditaire. Pendant les règnes de Louis XV et de Louis XVI, une série d’édits et d’arrêts du Conseil supprima et rétablit tour à tour la vénalité des offices, en augmenta et en diminua incessamment le nombre, principalement à Paris, et ne laissa aucune stabilité à la position des hommes qui exerçaient la profession d’agents de change. Mais dans ces actes de circonstance surgirent encore quelques principes durables dont la législation moderne devait profiter.

6. Ainsi, l’édit de 1705 offre l’exemple d’un tarif des droits à percevoir par les agents de change, sanctionné par le Gouvernement ; il consacre la certification des signatures des parties par les agents de change dans les négociations auxquelles ils s’entremettent. Les lettres-patentes de 1706, pour l’approbation du règlement des agents de change de Paris, obligent ceux qui entrent en fonctions à payer un droit de réception à la Compagnie ; elles imposent le secret aux agents sur les opérations dont ils sont chargés. L’arrêt du Conseil du 30 août 1720 institue une sorte de cautionnement, fixe à vingt-cinq ans l’âge d’admissibilité aux fonctions d’agents de change, et exige des postulants un certificat d’aptitude, délivré par les juges consuls et gardes des marchands. L’arrêt du Conseil du 24 septembre 1724 ajoute à ces conditions celles d’être Français ou naturalisé, et d’être agréé par le syndicat de la Compagnie, et il interdit les associations d’agents de change entre eux. Enfin, l’arrêt du Conseil du 26 novembre 1781 établit formellement pour les agents de change l’obligation de fournir un cautionnement, et décide que nul ne sera reçu agent de change, s’il ne justifie « avoir travaillé cinq ans au moins sans interruption dans les comptoirs de banque ou de commerce, dans les bureaux des finances ou études de notaires. »

7. En outre, les documents officiels attestent l’importance croissante de la profession des agents de change. La partie financière de leurs attributions prend le pas sur la partie commerciale ; elle se développe avec la multiplication des effets royaux et des effets publics, pour la négociation desquels l’arrêt du Conseil du 24 septembre 1724 rend le ministère des agents de change obligatoire, tandis qu’il demeure facultatif pour la négociation des lettres de change, etc., et marchandises. L’arrêt du 24 juin 1775 organise le parquet où se tiennent les agents de change de Paris pendant la bourse, et les autorise à faire crier le prix des effets royaux. L’arrêt du 7 août 1785 mentionne la cote que les agents de change ont à dresser du cours des effets royaux et du cours des changes. Les arrêts de 1781 et de 1786 séparent implicitement les deux professions d’agents de change et de courtiers de marchandises.

En résumé, à la veille de la Révolution, les agents de change en étaient insensiblement venus à se trouver, quant aux conditions d’aptitude exigées d’eux, quant à leur caractère, quant à leurs fonctions, à leurs devoirs, à leur discipline intérieure, sous un régime à peine différent du régime actuel.

8. Les lois des 17 mars et 8 mai 1791 chan-