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CONFLIT, 167-168

que les parties auraient ainsi à porter de nouveau devant l’autorité judiciaire, il nous semble que celle-ci conserverait seule le droit de prononcer sur tous les frais antérieurement exposés devant elle il serait le plus souvent impossible d’établir une distinction entre ceux de ces frais dont l’autorité administrative aurait à faire alors la répartition et ceux qu’il appartiendrait à l’autorité judiciaire de régler ; le motif de la jurisprudence consacrée par les deux décisions ci-dessus citées cesserait d’ailleurs de s’appliquer, et il serait évidemment plus simple de laisser au tribunal le soin de trancher cette question avec celles dont il demeurait nanti.

Du reste, le droit de répartir les frais entre les parties n’entratnerait pas, pour l’autorité administrative, le droit d’opérer le règlement de ces mêmes frais. S’il y avait débat sur ce point, l’autorité administrative serait, ce nous semble, incompétente pour en connaître, et les parties devraient être renvoyées à se pourvoir préalablement devant l’autorité judiciaire, qui procéderait, selon les règles ordinaires, à la liquidation et à la taxe des dépens.

Enfin, si, après la confirmation du conflit, les parties renonçaient à suivre l’instance devant l’autorité administrative, sans pouvoir néanmoins s’entendre sur la question des fraits faits devant l’autorité judiciaire, à qui appartiendrait-il de trancher cette question ? On ne pourrait plus dire alors que l’accessoire doit suivre le principal, puisque le principal aurait disparu, et que l’accessoire, en subsistant seul, deviendrait le principal. Or, comme le motif qui vient d’être indiqué est le seul qui ait porté la jurisprudence, dans les cas sur lesquels elle a prononcé, à déférer à l’autorité administrative l’appréciation d’une difficulté évidemment judiciaire en elle-même, il nous semble qu’alors la compétence devrait être déterminée par la nature de cette difficulté c’est-à-dire que le tribunal devant lequel auraient été faits les frais dont il s’agit demeurerait compétent pouren opérer la répartition, ou, ce qui reviendrait au même résultat, devrait en être saisi de nouveau par une assignation spéciale.

167. En seeond lieu, le conflit, au lieu d’être confirmé, peut être annulé intégralement, et il peut l’être, soit au fond, comme ayant mal à propos revendiqué pour l’administration une question judiciaire, soit en la forme, pour cause d’irrégularité, de tardiveté, d’incompétence du préfet qui l’a élevé, etc.

S’il est annulé au fond, il ne peut plus être reproduit, même en appel, même après cassation nous avons cité ci-dessus (n° 68) une décision du 8 avril 1852 qui l’a ainsi reconnu. S’il n’est annulé qu’en la forme, il peut être reproduit sur l’appel c’est la disposition expresse de l’art. 4 de l’ordonnance de 1 828 au moins en ce qui concerne certains vices de forme, et nous avons vu (n° 67), que la jurisprudence a généralisé cette disposition. Mais peut-il être reproduit devant le même tribunal, en supposant que ce tribunal n’ait pas encore statué au fond ? La négative est explicitement établie par l’art. 11 de la même ordonnance, pour le cas où l’irrégularité provient du dépôt tardif au greffe ; la question ne subsiste que pour les autres causes d’irrégularité. Or. à notre avis, et de même que la règle posée par le dernier paragraphe de l’art. 4 a paru devoir s’étendre à toutes les circonstances analogues, de même l’art. 11 ne fait qu’appliquer un principe général ; à notre avis, le conflit annulé, par quelque motif qu’il soit annulé, ne peut être reproduit qu’en appel, et tel nous semble être le sens manifeste de l’art. 4, qui, en permettant de l’élever sur l’appel, lorsqu’il a été irrégulièrement élevé devant les premiers juges, interdit par là même de le présenter une seconde fois devant ces mêmes juges. Néanmoins la doctrine contraire a prévalu dans la jurisprudence. (29 juin 1842, 15 déc. 1842, 9 janv. 1843, 5 fév. 1857, etc.)

Cette jurisprudence fait, selon nous, une fausse application du principe qui permet d’élever le conflit tant que le tribunal saisi n’a pas définitivement statué sur le fond de la contestation. Ce principe a été dégagé de l’ordonnance de 1828 pour préciser le sens de la disposition de cette ordonnance qui interdit d’élever le conflit après des jugements en dernier ressort ou des arrêts définitifs lorsqu’il a fallu décider si tel jugement était en dernier ressort, si tel arrêt était définitif, on a cherché et trouvé une règle simple et vraie, on a examiné si le jugement ou l’arrêt terminait ou ne terminait pas le litige. Mais, lorsqu’il s’agit de déterminer les effets de l’annulation d’un conflit, ce n’est plus au § 1er de l’art. 4 de l’ordonnance de 1828 qu’on peut demander des éléments de solution ; ces éléments doivent être puisés dans le § 2 du même art. 4 et dans l’art.{{lié}11, qui ne permettent pas, au moins dans l’espèce de l’art. 11, de transporter à ce cas la règle créée par interprétation pour un ordre de questions différentes, et ne semblent pas le permettre davantage dans les autres cas d’annulation pour cause d’irrégularité.

Quoi qu’il en soit, la jurisprudence parait fixée dans un sens contraire à notre opinion ; elle devrait, dans la pratique, servir de règle à l’administration et aux tribunaux.

168. Si le juge des conflits évite de faire à l’avance un règlement de juges dans le sein de l’autorité administrative lorsqu’il confirme un conflit, il doit également, lorsqu’il annule un conflit, éviter de fixer dans son dispositif et même de préjuger dans ses motifs la compétence de telle juridiction judiciaire relativement à telle autre juridiction du même ordre. On pourrait cependant citer deux décisions qui se sont un peu écartées de ce principe. Dans la première (30 mars 1846), le Conseil d’Etat ne s’est pas borné à déclarer, que, depuis la loi du 8 mars 1810, l’autorité administrative a cessé d’étre compétente pour prononcer sur les réclamations des particuliers relatives au règlement du prix dei terrains par eux cédés pour l’élargissement de la voie publique ; il ne s’est pas borné, comme il avait l’habitude de le faire dans les cas analogues, à décider que l’autorité judiciaire était seule compétente pour connaître de ces réclamations désignant à l’avance la juridiction dans le cercle de cette autorité, il a ajouté que, d’après les lois des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841, c’est au jury spécial d’expropriation qu’il appartient de faire le rè-