l’autorité judiciaire qui provoquât l’interprétation de l’ordonnance sur conflit du 2 juillet 1828 ; or, il est de principe que les parties intéressées ne peuvent, en l’absence de toute décision judiciaire ou administrative exigeant l’interprétation d’un acte administratif, présenter à cette fin une demande qui prendrait alors le caractère d’une véritable consultation. Mais dans la situation que nous venons de supposer, il serait, ce nous semble, difficile de jeter les parties dans l’impasse à laquelle les réduirait une solution rejetant le recours comme non-recevable, et nous inclinons à croire qu’alors le Tribunal des conflits pourrait et devrait donner l’interprétation qui lui serait demandée.
ART. 2. EFFETS DE LA DÉCISION QUI STATUE SUR LE CONFLIT.
162. La décision qui statue sur un conflit peut faire de ces trois choses l’une : ou le confirmer intégralement, ou l’annuler intégralement, ou le confirmer pour partie, en l’annulant pour le surplus.
Si elle confirme intégralement le conflit, elle renvoie par là même à l’autorité administrative la connaissance de la contestation. Nous disons à l’autorité et non pas à la juridiction administrative car il peut arriver que le conflit porte sur une contestation qui rentre, non pas dans le contentieux administratif, mais dans le domaine de l’administration pure.
163. Quoi qu’il en soit, la décision qui statue sur le conflit peut-elle, doit-elle aller jusqu’à faire en même temps un règlement de juges dans le sein de l’autorité administrative, en déterminant quel est, parmi les divers agents ou organes de cette autorité, celui qui doit connaltre de la difficulté ? En thèse générale, il convient que le juge du conflit évite cette désignation anticipée car il excéderait ainsi l’objet de sa mission, qui n’a d’autre but que de régler, par un acte souverain, la compétence entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire il s’exposerait également, dans plusieurs cas, à excéder les nécessités de la justice, puisque la question secondaire que nous prévoyons pourra quelquefois être décidée sans recourir à lui enfin le règlement qu’il ferait, en dehors de l’objet et des nécessités du conflit, ne lierait pas nécessairement le corps ou l’agent administratif dont il énoncerait la compétence, et ainsi la question pourrait se reproduire ultérieurement par voie de recours contre la déclaration d’incompétence émanée de ce corps ou de cet agent. Aussi le Conseil d’État s’abstenait-il, avec le plus grand soin, d’insérer aucune disposition de ce genre dans les décisions sur conflits. Il ne suit pas de là que son opinion sur la compétence de tel ou tel corps administratif ne ressortit pas souvent, soit des motifs, soit des visas de ces mêmes décisions : il est bien clair, par exemple, que lorsqu’un conflit était confirmé par application de l’art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, la juridiction du conseil de préfecture était, par là même, indiquée aux parties ; mais cette indication ne passait pas dans le dispositif et ne pouvait dès lors, quoi qu’il arrivât, présenter aucun inconvénient. Telle paraît être également la pratique du tribunal actuel des conflits.
164. La décision qui confirme intégralement un conflit dessaisit entièrement l’autorité judiciaire. En général, une disposition formelle de cette décision déclare non avenus les actes et procédures judiciaires qui ont pu être faits jusque-là[1]. Cette disposition serait, du reste, suppléée de plein droit dans les décisions qui ne la contiendraient pas ; car eUe n’est que la conséquence exprimée de la confirmation du conflit[2].
165. Mais quel est, dans ce cas, le sort des frais auxquels le procès a pu donner lieu devant le tribunal saisi, et à quelle autorité appartient-il de les régler ?
En principe, la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les frais faits devant les tribunaux une décision du 13 novembre 1835 a appliqué cette règle au cas même où le conseil de préfecture n’avait été saisi du litige qu’après que l’autorité judiciaire s’était déclarée incompétente pour en connaître deux arrêts des 18 avril 1861 et 16 mai 1875 ont également décidé que, lorsqu’un tribunal, sur le déclinatoire du préfet, se déclare incompétent pour connaître de l’action portée devant lui, il lui appartient néanmoins de statuer en même temps sur les dépens auxquels l’instance a donné lieu jusque-là. Mais une doctrine différente a prévalu au cas de confirmation pure et simple d’un conflit. On lit notamment dans une décision du 23 février 1844 :
« En ce qui touche les frais faits devant le tribunal civil d’Arbois,
« Considérant que l’ordonnance royale du 8 janvier 1840, intervenue sur conflit, avait complétement dessaisi l’autorité judiciaire et attribué à la juridiction administrative la connaissance du débat ; que dès lors le conseil de préfecture du Jura, appelé à statuer sur le litige, en prononçant sur la totalité des dépens, même sur les frais faits devant le tribunal civil d’Arbois, n’a pas excédé les limites de sa compétence ; … »
Une décision antérieure, du 8 floréal an XII, s’était déjà prononcée dans le même sens.
166. Cette solution doit, d’ailleurs, être sainement entendue. On comprend que, lorsque l’autorité judiciaire est complètement, dessaisie de la connaissance d’un litige, l’autorité administrative appelée à prononcer sur ce litige puisse statuer même sur la question accessoire de la répartition des frais faits devant le tribunal primitivement saisi car cette répartition est subordonnée, dans une certaine mesure, à la décision qui interviendra sur le fond du débat. Mais si le conflit n’était confirmé que sur tel ou tel point déterminé, s’il était annulé à l’égard de tels ou tels chefs,
- ↑ Et même quelquefois ceux qui ont pu en être la suite : cette clause éventuelle est utile, sans être indispensable, dans les cas où l’on peut craindre que le tribunal n’ait pas sursis, soit parce qu’il n’aurait pas eu connaissance du conflit, soit parce qu’il aurait cru pouvoir passer outre.
- ↑ Il peut arriver cependant que le juge du conflit, tout en confirmant purement et simplement le conflit, prévoie que des questions civiles pourront s’élever ultérieurement dans le cours de l’instance administrative et croie devoir en faire éventuellement la réserve pour l’autorité judiciaire. On en trouvera un exemple dans une décision du 11 août 1861. Cette indication peut avoir l’avantage de mettre la juridiction administrative en garde contre le danger d’étendre outre mesure les termes généraux de la confirmation du conflit ; mais, alors même qu’elle n’existerait pas, elle devrait évidemment, le cas échéant, être suppléée et appliquée d’office ou sur les conclusions des parties.