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CONFLIT, 127-128

déposées au greffe. La communication de ces pièces, quand elle serait possible, remplirait certainement mieux le bot de l’ordonnance mais il est évident qu’elle ne peut être prescrite à peine de nullité.

127. Le récépissé du dépôt doit être délivré par le greffier sans frais, c’est-à-dire sur papier libre. Il convient, en outre, qu’il soit visé par le procureur de la République. (Circ. 5 juill. 1828.)

art. 4. OBLIGATIONS QUI RÉSOLTENT DO CONFLIT, SOIT FOUR L’AUTORITÉ JUDICIAIRE, SOIT POUR L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE.

128. Si l’arrêté (de conflit) a été déposé au greffe en temps utile, le greffier le remettra immédiatement au procureur du Roi, qui le communiquera au tribunal réuni dans la chambre du conseil, et requerra que, conformément à l’art. 27 de la loi du 21 fructidor an III, il soit sursis à toute procédure judiciaire » (art. 12).

Cette rédaction, ainsi que l’a remarqué M. Duvergier, dans ses notes sur cet article, ne rend évidemment pas la pensée de ses auteurs : car elle semble conférer au greffier le droit de se rendre juge de la question de savoir si l’arrêté de conflit a été déposé en temps utile. Or, il est par trop certain qu’un tel pouvoir ne saurait, en aucune matière, appartenir au grenier. Il n’appartiendrait même pas au ministère public à quelque époque que celui-ci reçoive un arrêté de conflit, il doit le communiquer au tribunal, et il n’est pas libre ici, comme dans le cas de l’art. 6, de présenter telles ou telles réquisitions ; il est tenu de requérir le sursis à toute procédure.

Mais ce pouvoir, qui n’appartient ni au greffier, ni au ministère public, n’appartient-il pas du moins au tribunal ? En d’autres termes, l’autorité judiciaire est-elle toujours tenue de surseoir ? Ne peut-elle pas, ne doit-elle pas vérifier préalablement si l’arrêté de conflit qui lui est présenté est régulier en la forme et s’il a été pris dans les délais établis par l’ordonnance ? On comprend aisément les raisons qui peuvent être invoquées à l’appui de ce système, dont l’application s’étendrait, d’ailleurs, à l’inobservation des diverses formalités, des divers délais, établis par l’ordonnance de 1828. Sans doute, dit-on, l’autorité judiciaire ne peut, dans aucun cas, se constituer juge du fond du conflit, c’est-à-dire de la question de compétence qu’il soulève le préfet revendiquât-il une des questions que les art. 1 •’ et 3 de l’ordonnance lui interdisent de revendiquer, le juge des conflits a seul le droit de redresser son erreur, si lourde. et si patente que puisse être cette erreur. Mais quand il ne s’agit que des formes et des délais prescrits par l’ordonnance, quand il ne s’agit que de l’accomplissement des conditions extrinsèques auxquelles est désormais subordonnée, pour l’administration, la faculté de dessaisir l’autorité judiciaire, l’obligation qui est imposée à celle-ci de se dessaisir n’est-elle pas également subordonnée à ces mêmes conditions, et, par suite, à la vérification préalable de l’exacte observation qui en a été faite ? Ce n’est pas, dans de telles limites, empiéter sur le domaine de l’administration ; ce n’est pas usurper les prérogatives pour la défense desquelles le conflit est institué. S’il en est autrement, si l’autorité judiciaire est obligée de s’arrêter devant l’apparition d’un contit, à quelque époque et en quelque forme qu’il se produise, les garanties que l’ordonnance de 1828 à voulu établir contre les abus da conflit deviennent illusoires, la1 pensée même des auteurs de l’ordonnance est ouvertement méconnue, car les premiers mots de l’art. 12 n’ont t aucun sens s’ils ne confèrent pas au tribunal le droit, s’ils ne lui imposent pas l’obligati’on de vérifier, avant de surseoir, la régularité matérielle du conflit.

Cette doctrine, professée d’abord par M. Ddvergieh, dans ses notes sur l’ordonnance de 1828[1], a été admise, après lui, par plusieurs auteurs et par quelques arrêts de cours d’appel, que rapporte M. DALLOZ (Vo CONFLIT, n° 95). Elle n’a a point prévalu, elle ne pouvait ni ne devait prévaloir devant le Conseil d’État, qui n’a jamais hésité à décider que l’autorité judiciaire excédait ses pouvoirs en appréciant, même au point de vue de la forme, la validité d’un arrêté de conflit produit devant elle. Souvent il s’est trouvé en présence de jugements ou d’arrêts portant refus de surseoir, à raison de l’irrégularité ou de la tardiveté du conflit il annule lui-même ce conflit, s’il y a lieu ; mais il déclare en même temps non avenue la décision judiciaire[2]. Nous citerons, comme exemple, une décision du 18 février 1839, qui, après avoir constaté que le conflit était tardif, ajoute :

« En ce qui touche l’arrêt de la cour de Montpellier, du 13 décembre 1838, par lequel ladite cour a refusé d’ordonner le sursis demandé par notre procureur général, en raison du conflit susvisé considérant que ledit arrêt s’est fondé sur ce que le conflit aurait été tardivement élevé, et qu’en prononçant ainsi sur la validité d’un conflit, la cour s’est attribué la connaissance d’une question qui n’était pas de son ressort. Art. lw. L’arrêté de conflit… est annulé. Art. 2. L’arrêt de la cour de Montpellier, du 13 décembre 1838, sera considéré comme non avenu. »

La même jurisprudence a été appliquée à tous les cas où l’autorité judiciaire s’est attribué le droit de statuer sur la régularité des conflits. (29 mars 1831, 3 févr. 1835, 2 juiU. 1836, 23 avril 1840, 7 août 1843, 25 avril 1845, 18 déc. 1848, etc.)

À notre avis, cette jurisprudence est à l’abri de toute critique sérieuse ; elle repose sur les principes les plus incontestés du droit. Ainsi, en matière criminelle, le pourvoi en cassation est suspensif, sauf certaines exceptions, quant aux jugements et arrêts rendus sur la compétence (C. d’I. Cr., art. 416) mais il doit, avant tout, être formé dans certains délais et selon certaines règles. On a quelquefois prétendu qu’il appartenait aux cours et tribunaux d’examiner si le pourvoi était régulier et formé en temps utile ; on a prétendu que cette faculté, restreinte à la simple vérification d’un fait matériel, était indispensable pour empêcher l’abus de pourvois qui n’auraient d’autre objet que de retarder le jugement du fond. La Cour de cassation a condamné cette doctrine, et, de même que les cours d’appel sont exclusi-

  1. M. Duvergier l’étend même au cas où le conflit serait élevé en matière criminelle ou sur une des questions qui font l’objet de l’art. 3 de l’ordonnance.
  2. On remarquera qu’il n’annule pas expressément ces décisions ; il se borne à les déclarer non avenues.