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CONFLIT, 122-126

forme de mémoire. Toutefois, il s’agit ici d’actes administratifs, et dès lors, ainsi que nous l’avons déjà dit à propos du déclinatoire, il n’y a là rien de sacramentel, rien qui soit prescrit à peine de nullité.

Par la même raison, les questions de ce genre qui onUté quelquefois soulevées ont généralement reçu une solution large et facile.

Ainsi, par exemple, il est bien certain qu’en thèse générale un préfet ne pourrait pas revendiquer par un seul arrêté plusieurs affaires distinctes, fussent-elles portées en même temps devant le même tribunal. Mais faut-il aller jusqu’à annuler le conflit élevé par un seul et même arrêté sur deux ou plusieurs instances connexes ? Le Conseil d’État et le Tribunal des conflits se sont accordés (7 janv. 1844, 3 janv. 1851) à considérer ce mode de procéder comme irrégulier en lui-même, mais comme n’étant pas, à lui seul, de nature à entraîner la nullité du conflit.

122. Dans d’autres circonstances, on a prétendu que l’arrêté de conflit n’indiquait pas avec une parfaite exactitude, soit les parties en cause, soit le tribunal auquel il s’adressait, soit les questions qu’il entendait revendiquer. Mais, toutes les fois que la possibilité d’une incertitude ou d’une erreur a paru inadmissible, le conflit, nonobstant ces inexactitudes, a été déclaré régulier. (30 mars 1842, 29 juin 1842, 20 mai 1850, 7 nov. 1850.)

ART. 3. NOTIFICATION DU CONFLIT à L’AUTORITÉ JUDICIAIRE.

123. « Lorsque le préfet aura élevé le conflit, il sera tenu de faire déposer son arrêté et les pièces y visées au greffe du tribunal. Il lui sera donné récépissé de ce dépôt, sans délai et sans frais. (O. 1828, art. 10.)

« Si, dans le délai de quinzaine, cet arrêté n’avait pas été déposé au greffe, le conflit ne pourrait plus être élevé devant le tribunal saisi de l’affaire » (art. 11).

Le délai de quinzaine fixé par ce dernier article ne s’ajoute pas au délai de l’art. 8 ; c’est le même délai c’est dans la quinzaine de l’envoi prescrit par l’art. 7[1] que le préfet doit non-seulement prendre son arrêté de conflit, mais le faire déposer au greffe. M. Taillandier (p. 169) atteste que telle a été la pensée de la commission, et la jurisprudence n’a pas hésité à se prononcer dans ce sens. On ne peut, en la parcourant, que s’étonner du nombre considérable de conflits qui ont été annulés pour dépôt tardif au greffe, soit que les préfets crussent avoir deux délais de quinzaine, soit par toute autre cause. Ainsi, pour ne citer que quelques décisions, nous renverrons seulement à celles des 13 décembre 1861, 1er  décembre 1853, 25 novembre 1852, etc.

124. L’arrêté de conflit et les pièces qui l’accompagnent doivent être déposés au greffe du tribunal. Pourquoi ce dépôt n’est-il pas effectué au parquet qui a reçu le déclinatoire (art. 6), qui a transmis au préfet le jugement intervenu (art. 7), qui communiquera le conflit au tribunal(art. 12), qui avertira les parties et recevra leurs observations (art. 13), qui enfin transmettra le dossier au ministère de la justice (art. 14) ? Nous n’apercevons pas, quant à nous, la raison de cette différence. Le Conseil d’État ne paraît pas l’avoir aperçue davantage car il a décidé, les 2 août 1838 et 7 août 1843, que le dépôt au parquet pouvait être remplacé par le dépôt au greffe, ce dernier dépôt n’ayant d’autre objet que de faire communiquer le conflit au ministère public, pour en informer le tribunal.

125. C’est au greffe de la juridiction qui a statué sur le déclinatoire, que le conflit doit être déposé, alors même que le déclinatoire, présenté en appel, aurait été rejeté par un arrêt portant renvoi du fond de l’affaire devant un tribunal de première instance. Ce point, qui ne pouvait guère faire de difficulté dans ces termes, a été établi par diverses décisions des 30 mai 1834, 5 septembre 1836, 22 avril 1842, 31 décembre 1844, 25 avril 1857[2], 15 mai 1858 et 16 janvier 1875.

Mais si le conflit est élevé sans nouveau déclinatoire, sur l’appel du jugement qui a admis le déclinatoire présenté en première instance, est-ce au greffe de la cour ou au greffe du tribunal que le conflit doit être déposé ? Dans ce cas, il a été jugé (23 avril 1840) que le dépôt devait être fait au greffe de la cour. Cette décision, il est vrai, est antérieure au changement qui s’est introduit dans la jurisprudence sur la faculté d’élever directement le conflit dans ce cas (no 88) néanmoins ce changement ne serait pas, ce nous semble, de nature à influer sur la solution de la question spéciale qui nous occupe : car le conflit a pour objet de dessaisir, non le tribunal de première instance qui s’est déjà dessaisi, mais la cour que l’appel tend à saisir de nouveau c’est donc cette cour qui doit être avertie, et c’est à son greffe que le préfet doit faire parvenir, dans la forme de l’art. 10, cet avertissement.

126. Le Conseil d’État a décidé (7 août 1843) que, si l’art. 10 prescrit le dépôt au greffe de l’arrêté de conflit et des pièces y visées, l’art. 11 ne fixe un délai de rigueur que pour le dépôt de l’arrêté, et que les pièces peuvent être utilement produites jusqu’à ce qu’il soit statué sur la validité du conflit. Cette solution est en opposition manifeste avec l’esprit de l’ordonnance car d’abord l’art. 11 se réfère évidemment à l’art. 10 de plus, l’art. 13 exige que l’arrêté de conflit et les pièces soient communiqués aux parties avant l’envoi du dossier au Conseil d’État or, si les pièces peuvent être produites jusqu’au jugement du conflit, les parties seront privées du droit que l’art. 13 a entendu leur réserver et du moyen qu’il a voulu mettre à leur disposition pour présenter utilement leurs observations.

En revanche, il a fait une stricte et exacte application des art. 10 et 11, lorsqu’il a décidé (23 déc. 1845) que le conflit ne saurait être annulé par le motif que certaines pièces, mentionnées dans celles que vise l’arrêté, mais non visées par cet arrêté même, n’auraient pas été

  1. On a vu ci-dessus, sur l’art. 8, quel est le point de départ de ce délai et comment la date en est constatée.
  2. Dans cette espèce, le préfet, procédant comme il devait procéder, avait adressé l’arrêté de conflit au procureur général près la cour d’appel ; puis, ce magistrat lui ayant fait observer qu’il serait peut-être plus régulier de saisir le tribunal de première instance, auquel l’affaire avait été renvoyée par l’arrêt intervenu sur le déclinatoire, le préfet avait suivi ce conseil. Nonobstant ces circonstances atténuantes de la faute du préfet, le Conseil d’État a annulé le conflit.