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CONFLIT, 94-97

voir adresser son déclinatoire et ensuite son arrêté de conflit au procureur impérial près le tribunal de première instance, encore bien que le jugement rendu par ce tribunal fût frappé d’appel ; le préfet se fondait, pour procéder ainsi, sur ce que la partie appelante était une commune et qu’elle n’avait point encore obtenu l’autorisation de former cet appel, d’où il concluait que la cour n’en était pas valablement saisie. Mais, d’une part, le défaut d’autorisation préalable n’empêchait pas que la cour fût régulièrement saisie ; d’autre part, quelque irrégulier ou nul que puisse être un acte d’appel, il ne peut être déclaré tel que par le juge du second degré, et, par là même, il attribue à ce juge, au moins provisoirement, la connaissance du litige. Aussi ce conflit a-t-il été annulé. (2 janv. 1857.)

94. Il est regrettable qu’aucun délai n’ait été fixé pour la communication du déclinatoire au tribunal par le ministère public et pour le jugement à rendre sur ce déclinatoire. Mais, dans l’esprit de l’ordonnance, le défaut d’indication d’un délai emporte l’obligation de porter sans retard le déclinatoire à la connaissance du tribunal ou de la cour[1].

De plus, le ministère public est tenu, dans tous les cas, de faire la communication prescrite par l’art. 6. S’il prenait sur lui de ne pas se conformer à cette disposition précise et absolue ; si, par exemple, se constituant juge de questions qu’il ne lui appartient pas de trancher, il répondait au préfet que le tribunal a déjà statué sur sa compétence contestée par les parties, et qu’en conséquence il croit devoir s’abstenir de lui communiquer le déclinatoire, le préfet devrait insister pour obtenir une décision formelle du tribunal lui-même ; il ne pourrait pas, sur cette seule déclaration, élever immédiatement le conflit comme si son déclinatoire avait été rejeté. (7 mars 1850.)

De même, si le ministère public, sans en informer le préfet, s’abstenait purement et simplement de communiquer le déclinatoire au tribunal, et si le tribunal, dans l’ignorance de ce déclinatoire, statuait au fond, le préfet serait recevable à élever le conflit, nonobstant cette décision, jusqu’à l’envoi qui lui en serait fait et dans la quinzaine de cet envoi ; il ne saurait, en effet, appartenir à l’autorité judiciaire de paralyser, par une omission volontaire ou involontaire, l’exercice des droits dont l’administration est investie en cette matière. La jurisprudence est fixée en ce sens par plusieurs décisions, que nous indiquerons en traitant, sur l’art. 8 du délai du conflit (no 101).

95. Le déclinatoire est communiqué au tribunal en audience publique, et non pas en chambre du conseil[2], à la différence de l’arrêté de conflit (art. 12) : il convient que la question de compétence soit débattue dans les formes et avec les garanties ordinaires, et contradictoirement avec les parties, si elles croient devoir y intervenir. Peu importe, d’ailleurs, que le tribunal ait déjà résolu la question entre les parties, soit explicitement, soit implicitement ; le déclinatoire étant à la fois recevable et obligatoire malgré ces circonstances, le devoir de l’autorité judiciaire est de l’examiner et d’y statuer dans tous les cas. Mais, si elle le rejette comme tardif ou comme irrégulier, le préfet n’a ni l’obligation ni le droit, comme dans l’espèce qui a donné lieu à la décision ci-dessus citée du 7 mars 1850, de provoquer un jugement sur la compétence même ; par un motif ou par un autre, le déclinatoire est écarté, le tribunal a statué, et dès lors le préfet peut et doit, s’il y a lieu, élever immédiatement le conflit. (3 avril 1850.)

96. De même et par la même raison, si le tribunal, régulièrement saisi du déclinatoire, s’abstenait de le mentionner dans le jugement qu’il rendrait sur la compétence (ceci peut arriver quand la compétence est en même temps contestée par les parties), ce jugement ne devrait pas moins être considéré comme ayant statué sur le déclinatoire, et comme permettant au préfet d’élever le conflit conformément à l’art. 8. (25 mars 1852.)

art. 5. — jugement à rendre
sur cette communication.

97. Le tribunal doit rendre un jugement spécial sur le déclinatoire ; il ne doit prononcer sur le fond qu’après l’expiration du délai accordé au préfet par l’art. 8 pour élever le conflit et en s’assurant préalablement qu’aucun arrêté de conflit n’a été déposé au greffe.

Une première sanction de cette obligation se trouve dans le dernier paragraphe de l’art. 8, aux termes duquel le conflit peut être élevé dans le délai fixé, alors même que le tribunal, avant l’expiration de ce délai, aurait passé outre au jugement du fond (no 102 ci-après).

Mais, à côté de cette sanction, dont l’application appartient au juge des conflits, n’en existe-t-il pas une autre dans la sphère et dans la hiérarchie judiciaire ? À cet égard, il est bien certain d’abord que, si un tribunal de première instance statue en même temps sur le déclinatoire et sur le fond, et s’il y a appel de ce jugement, la cour devra, sur le nouveau déclinatoire qui pourra être présenté devant elle, réformer l’erreur des premiers juges et rendre un premier arrêt portant seulement sur ce déclinatoire, de manière à laisser à l’administration le bénéfice du délai établi par l’art. 8. Mais, si c’est le juge d’appel qui a commis l’erreur dont il s’agit, n’y aura-t-il pas là, indépendamment du droit réservé à l’administration par le dernier paragraphe de ce même article, et alors même que le conflit aurait été ou viendrait à être annulé par le Conseil d’État comme mal fondé, une

  1. Une circulaire du ministre de la justice, du 15 décembre 1847, qui a rappelé et résumé cinq circulaires précédentes sur la même matière, contient à cet égard le passage suivant :

    « Le vœu des ordonnances de 1828 et de 1831 est qu’il intervienne, sur la question de compétence, une décision aussi prompte que possible. Tantôt, en effet, des délais ont été fixés pour l’accomplissement de certaines formalités : tantôt les formalités doivent être accomplies immédiatement, et, dans le cas même où aucun délai n’est expressément établi, les magistrats n’en sont pas moins tenus, à toutes les phases de cette procédure spéciale, de veiller à ce que les formalités prescrites aient lieu dans le plus bref délai. Je pourrais cependant signaler plus d’un retard regrettable. Ainsi il arrive trop souvent qu’un temps considérable s’écoule, soit entre la remise du déclinatoire ou de l’arrêté de conflit par le préfet aux officiers du parquet et la communication de ce déclinatoire ou de cet arrêté au tribunal ou à la cour, soit entre le dépôt de l’arrêté de conflit au greffe ou au parquet et son envoi à la chancellerie. Je désire qu’à l’avenir ces retards soient évités avec soin, et que, s’ils venaient à se produire dans quelques circonstances particulières, des explications me soient toujours données sur leurs causes. »

  2. Sauf les cas où il s’agirait d’affaires qui, aux termes de la législation existante, devraient être jugées en chambre du conseil.