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CONFLIT, 79-80

le conflit(1). Cette jurisprudence ayant été changée par une décision du 29 mai 1822, le Gouvernement s’empressa de lever la difficulté par une ordonnance spéciale du 18 décembre 1822, ainsi conçue :

« Vu la loi du 28 pluviôse an VIII, les arrêtés des 12 messidor an VIII, 3 brumaire an IX(2) et 13 brumaire an X, et notre ordonnance du 12 décembre 1821 ;

« Considérant que le préfet de police de Paris est chargé d’une partie de l’administration départementale et qu’il exerce ses fonctions sous l’autorité immédiate de nos ministres ;

« Notre Conseil d’État entendu, etc.

« Art. 1er. Les dispositions de l’art. 4 de l’arrêté du 13 brumaire an X qui autorisent le préfet à élever le conflit entre deux autorités, sont déclarées communes au préfet de police de Paris en conséquence il élèvera le conflit dans les affaires qui, étant par leur nature dans la compétence de l’administration, sont placées dans ses attributions(3). »

79. De ce que cette ordonnance(4) déclare communes au préfet de police les dispositions qui autorisent les préfetsdesdépartementsàélever le conflit, on a quelquefois conclu qu’elle a simplement créé un droit de concurrence entre ce préfet et le préfet de la Seine, de telle sorte que le conflit, dans les affaires de la compétence du préfet de police, pourrait être indifféremment élevé par l’un comme par 1 autre de ces deux fonctionnaires. Mais cette opinion, soutenue notamment par M. DALLOZ (Vo Conflit, no 29), ne nous paratt pas admissible. D’abord elle pourrait avoir le grave inconvénient de donner lieu à des contradictions plus ou moins fréquentes entre le préfet de la Seine et le préfet de police. De plus, elle est en opposition manifeste avec l’esprit de l’arrêté de l’an X et de l’ordonnance de 1828, qui ont entendu concentrer dans les mains d’un seul fonctionnaire, pour la même affaire, le droit d’élever le conflit. Enfin elle méconnalt la pensée de l’ordonnance de 1822 ellemême, dont l’interprétation doit être évidemment puisée dans l’avis ci-dessus cité du 23 novembre 1822 or, cet avis, après avoir établi la nécessité de maintenir au préfet de police un droit qu’il avait toujours exercé jusque-là, ajoute qu’il n’est pas moins nécessaire de déterminer en ce point les attributions respectives des deux préfets, pour qu’il ne s’établisse point entre eux une concur-

(1)Voy. notamment 16 frimaire an XIV, 12 décembre 1806» et S août 1809.

(2) Relatifs aux attributions du préfet de police.

(3) Dans la discussion de l’ordonnance de 1828, nn membre de la commission proposa de retirer au préfet de police le droit d’élever le conflit. M. Taillandier (p. 161 à 163) analyse

les raisons qui furent données pour et contre cette proposition, et ajoute :

« La commission ne prit aucune détermination précise sur cette question. Seulement il est a observer que, dans le projet d’ordonnance qu’elle soumit au Gouvernement, l’article correspondant à celui dont nous nous occupons portait ces termes : » Lorsqu’une question attribuée par la loi à l’administration sera portée devant un tribunal de première instance, le préfet du département, etc.» Si ces expressions eussent été conservées dans l’ordonnance royale, on aurait pu en induire qu’aux préfets de département seuls était réservé le droit d’élever le conflit ; mais le Gouvernement les ayant modifiées, on peut, au contraire, en tirer la conséquence qu’il a entendu laisser, en ce point, les choses comme elles étaient antérieurement. »

Aucun doute ne s’est élevé, dans la pratique, à cet égard. (4) Elle a été préparée par le Comité de législation, qui a rédigé à l’appui, le 23 novembre 1822, un avis dont M. Boulatignier (p. 481) a publié le texte. rente dont l’intérêt public et particulier pourrait souffrir, et c’est ce partage qu’a entendu faire l’ordonnance en stipulant expressément que le préfet de police élèverait le conflit dans les affaires administratives qui sont placées dans ses attributions. Aussi, en fait, le préfet de police et le préfet de la Seine se sont ils fait une loi de se renfermer, quant au conflit, dans les limites de leur compétence respective. Une seule fois, le préfet de police a cru devoir faire élever le contlit par son collègue mais le désistement de la partie qui avait intenté l’action a empêché et dispensé le Conseil d’État de se prononcer sur ce mode de procéder, et, depuis cette époque, le préfet de police a seul élevé le conflit dans les affaires de sa compétence(5), et réciproquement. 80. Quant aux préfets maritimes, nous inclinons à penser que, si la question eût été posée aux rédacteurs de l’ordonnance de 1828, l’analogie que l’identité de dénomination semble établir entre ces fonctionnaires et les préfets proprement dits ne leur eût point paru suffisante pour faire, en faveur des premiers, une exception à l’unité qu’ils entendaient établir dans l’exercice du conflit ; nous inclinons à penser que cette exception leur eût paru constituer un précédent propre à jeter la perturbation dans cette unité, en autorisant d’autres précédents plus ou moins semblables, et qu’elle n’eût pas été, à leurs yeux, appuyée par des motifs qui fussent de nature à la justifier. Tout ce qui a été dit de l’administration maritime à cet égard, pourrait se dire, avec la même force ou avec la même faiblesse, de diverses autres branches de l’administration, et notamment des intendants militaires. Mais il ne s’agit pas de savoir ce qu’aurait fait l’ordonnance de 1828 dans une hypothèse qu’elle n’a pas prévue il s’agit de savoir si ses dispositions générales ont enlevé aux préfets maritimes une attribution qu’ils exerçaient antérieurement. À cet égard, nous ne pouvons que renvoyer à la discussion à laquelle s’est livré M. Bodutignier devant le Conseil d’État en 1840, lorsqu’il eut à donner des conclusions, comme commissaire du Gouvernement, sur une affaire qui amenait la question pour la première foisdepuis 1828[1]. La décision intervenue sur cette affaire, à la date du 23 avril 1840, n’a pas résolu explicitement cette question, qui n’était soulevée ni par les parties, ni par l’autorité judiciaire, et qui a été traitée d’office par M. Boolatignier ; mais le sens et l’autorité de cette décision ne sont pas, pour cela, susceptibles d’être contestés car, si le Conseil d’État n’eut pas admis le droit du préfet maritime, il aurait, même en l’absence de toute contestation sur ce chef, prononcé l’annulation du conflit. La même solution, également implicite, a été consacrée les 12 février 1841, 30 mars 1842, 26 juin 1852 et 8 juin 1854. Le droit du préfet maritime étant admis, nous croyons que, le cas échéant, la jurisprudence déciderait, pour lui comme pour le préfet de police, non-seulement qu’il a qualité, mais qu’il a seul qualité pour revendiquer les droits de l’administration relativement aux affaires qui rentrent dans (5) Voy. 17 décembre 1834, 18 juillet 1838, 3 Juin 1853, etc.

  1. Voy le Recueil des arrêts du Conseil d’État, 1840, p. 127.