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CONFLIT, 68-73

toire par le tribunal, le préfet, par an motif quelconque, s’est abstenu d’élever le conflit, et, se ravisant sur l’appel interjeté, soit par lui-même, s’il était partie dans l’instance, soit par la partie intéressée, il se décide à proposer alors un nouveau déclinatoire et à élever le conflit. Dans ces deux hypothèses, le conflit est également recevable : car il n’a pas été élevé en première instance[1].

Le second cas semble se restreindre, d’après l’art. 4, à l’hypothèse du conflit tardivement élevé en première instance. Cependant la jurisprudence a également permis de reproduire le conflit élevé en première instance, lorsqu’il y a été annulé pour une cause quelconque d’irrégularité, par exemple pour défaut de qualité de la part du préfet qui l’a élevé, pour vice de forme, etc. et elle a permis de le reproduire, non-seulement en appel, mais même en première instance, tant que le tribunal n’a pas définitivement statué au fond. (29 juin 1842, 15 déc. 1842, 9 janv. 1843, 31 déc. 1844.) Nous n’avons pas d’objections à faire contre cette solution dans le cas d’appel ; mais nous aurons à voir plus loin (n° 167) si, dans l’autre cas, elle peut se concilier avec les art. 4 et 11 de l’ordonnance de 1828.

68. Quoi qu’il en soit, il est du moins certain que, si le premier conflit avait été annulé au fond, c’est-à-dire comme revendiquant mal à propos pour l’administration la connaissance du litige, il ne pourrait plus être renouvelé, même en appel. (8 avril 1852.)

69. Dans tous les cas où le conflit peut être élevé en appel, il peut l’être, comme en première instance, tant que le juge d’appel n’a pas statué définitivement sur le fond de la contestation. Il peut l’être, par exemple, nonobstant l’existence, soit d’un jugement de compétence rendu par les premiers juges et qui n’aurait pas été frappé d’appel (23 avril 1840, 27 févr. 1847), soit même d’un arrêt interlocutoire qui aurait déjà statué, entre les parties, sur la compétence (4févr. 1836, etc.). Mais, pour que l’appel rende à l’administration la possibilité d’élever le conflit, il faut que le juge de première instance n’ait pas statué en dernier ressort il faut aussi que l’appel ait été interjeté dans le délai légal. (20 févr. 1822, 30 juill. 1857.)

70. Quant à l’acquiescement, il devrait avoir également pour effet d’interdire le conflit car il imprime aux décisions acquiescées le caractère et l’autorité de la chose jugée. Mais, par le même motif, cette disposition ne peut et ne doit s’entendre que de l’acquiescement qui porte sur le fond même du litige. (5 mars 1841, 9 juin 1842, 30 août 1845, 21 oct. 1871, 13 mars 1872, etc.)

Le désistement, la transaction produiraient d’ailleurs, sous la même condition, le même effet que l’acquiescement.

71. Il importe toutefois, à cet égard, de distinguer deux cas. Si le conflit était élevé après l’acquiescement, le désistement ou la transaction, il devrait être expressément annulé ; c’est ce qu’a fait le Conseil d’État par une décision du 1er  juin 1828, motivée sur ce que, par l’effet du désistement donné et accepté, la contestation n’existait plus à l’époque où le préfet avait élevé le conflit. Si, au contraire, l’acquiescement, le désistement ou la transaction survenait après le conflit élevé et avant le jugement de ce conflit, le juge des conflits se bornerait à déclarer que le conflit n’a plus d’objet et qu’il n’y a pas lieu d’y statuer. (22 févr. 1833, 27 févr. 1851, 8 nov. 1851, etc.)

Sect. 5. Par qui le conflit positif peut être élevé.

ART. 1. DROIT EXCLUSIF DES PRÉFETS ; CARACTÈRE DE CE DROIT.

72. Les art. 3 et 4 de l’arrêté du Gouvernement du 13 brumaire an X, introduisant pour la première fois une règle précise sur ce point, ont conféré aux préfets le droit d’élever le conflit, et, sans le dire expressément, c’était évidemment à eux seuls qu ils entendaient réserver cette attribution. La question a été de nouveau débattue lors de la rédaction de l’ordonnance de 1828.

« On a proposé, dit M. de Cormenin dans son rapport, d’écarter l’intervention des préfets, personnages peu diserts dans les matières de droit, et peu agréables à la magistrature. Dans ce système, les procureurs généraux, qui sont aussi les agents immédiats du Gouvernement, élèveraient le conflit. On peut objecter que les procureurs du Roi, bien qu’ils soient amovibles et agents du Gouvernement, ne sont pas, à proprement parler, des administrateurs, mais des magistrats ; qu’ils ne sont pas astreints, comme les préfets, purs agents d’exécution, à une obéissance passive ; qu’ils ont plus de libre arbitre ; que leur intervention pourrait devenir, par sa fréquence, incommode à la magistrature, ou, par sa rareté, inefficace pour l’administration ; qu’il n’existerait aucun recours contre leur refus d’élever le conflit, comme il en existe contre le refus des préfets[2] ; que, si le conflit est un moyen réservé à l’administration pour la défense de ses attributions, il faut qu’il soit exercé par un agent spécial de l’administration ; que, si les préfets ignorent trop les règles du droit civil, les procureurs du Roi ignorent trop aussi les nécessités et les attributions de l’autorité administrative… »

M. Taillandier (p. 153-157) reproduit également l’analyse de la discussion qui s’engagea sur cette question, et déclare que, sans se prononcer sur le fond du débat, la commission due, en se conformant aux termes de son mandat, laisser aux préfets un droit qu’ils tiennent de l’arrêté du 13 brumaire an X, et qui ne pourrait leur dire enlevé que par une loi.

73. Les art. 6 et suivants de l’ordonnance du 1er juin 1829 sont, en effet, conçus dans le système de cet arrêté c’est le préfet qu’ils investissent du droit exclusif d’élever le conflit.

Il faut convenir, au surplus, que, prise en ellemême, la question qui fut ainsi agitée en 1828 n’était guère une question : elle n’a pu tirer quelque importance que des préventions exagérées, auxquelles, par sa propre faute, le pouvoir administratif avait alors donné naissance. Abstraction

  1. Ce point a été contesté dans la discussion de l’ordonnance de 1828 ; on a proposé d’enlever au préfet le droit d’élever ainsi le conflit en appel, quand il ne l’aurait pas élevé après le rejet de son déclinatoire en première instance. Mais cette proposition a été écartée. (Voy. M. Taillandier, p. 170.)
  2. Cette raison n’était pas sérieuse : il n’y aurait ni plus ni moins de moyens de recours, en pareil cas, contre le refus du procureur général que contre le refus du préfet ; le ministre de la justice pourrait tout aussi bien inviter le procureur général à intervenir, que le ministre de l’intérieur ou tout autre ministre peut y inviter le préfet.