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AFFOUAGE, 26-32.

l’égalité est prohibée implicitement par la loi des 27-29 novembre 1789, qui interdit aux fonctionnaires de recevoir des gratifications.

26. Il est évident qu’il y a encore lieu à un changement de la destination des coupes affouagères pour certaines communes dont la richesse consiste surtout en bois, et qui ne sont pas dans l’usage d’employer la totalité des produits de leurs coupes à la consommation des habitants. Elles doivent faire connaître à l’agent forestier local la quantité de bois qui leur est nécessaire, et il en est fait délivrance soit par l’adjudicataire de la coupe, soit au moyen d’une réserve sur cette coupe. (Ord. 1er  août 1827, art. 141.)

27. Enfin, dans des cas urgents, les communes qui n’ont pas d’autres ressources que leur affouage, peuvent être autorisées à en vendre une partie pour subvenir à des dépenses autres que celles de l’art. 109. Cet article « affecte principalement le produit des coupes ordinaires et extraordinaires au paiement des frais de garde et à l’acquit de la contribution foncière ». Or, loin de ne lui donner que cette affectation, la loi, par le mot principalement, suppose évidemment que ce produit peut être employé à acquitter d’autres charges. (Circ. minist. 31 déc. 1828.)

Sect. 4. — Réunion, séparation de territoires.

28. Les changements de circonscriptions territoriales, n’étant que des mesures opérées dans un but purement administratif, ne sauraient avoir pour résultat de modifier des droits de propriété. Aussi la loi de 1837 porte-t-elle, art. 5 : « Les habitants de la commune réunie à une autre commune conserveront la jouissance exclusive des biens dont les fruits étaient perçus en nature… Art. 6. La section de commune érigée en commune, emportera la propriété des biens qui lui appartenaient exclusivement… » De cette manière a été érigé en loi le principe qu’avait depuis longtemps consacré une double jurisprudence administrative et judiciaire. — S’il s’agit de réunion ou séparation de domaines et habitations isolées, qui ne soient ni communes, ni sections de communes, ces mesures ne peuvent pas davantage influer sur les droits de leurs propriétaires en ce qui concerne l’affouage.

Sect. 5. — Droit des ci-devant seigneurs.

29. La loi du 10 juin 1793, art. 10, sect. II, avait exclu du partage quoiqu’habitant le ci-devant seigneur qui aurait usé du droit de triage, en exécution de l’art. 4, tit. XXV, de l’ord. de 1669, quand même il aurait disposé de sa portion en faveur de particuliers non seigneurs. Si la commune a usé de la faculté de faire annuler le triage, qui lui était conférée par l’art. 1er  de la loi des 28 août-14 septembre 1792, chacun est rentré dans le droit commun ; dans ce cas, on s’accorde à reconnaître qu’il n’y a aucun prétexte pour exclure l’ancien seigneur ou ses représentants. Mais si le triage n’a pas été annulé, l’ancien seigneur et les successeurs de sa personne ayant gardé le profit du triage opéré avec la commune, ils ne peuvent, en conséquence de la loi du 10 juin 1793, participer à l’affouage. Cette loi n’ayant exclu que le seigneur seul, nous pensons qu’il n’y a pas de raison pour frapper de la même déchéance ses successeurs à titre particulier ou à titre onéreux ; l’exclusion édictée en 1793 est personnelle et non réelle.

Sect. 6. — Règles de compétence.

30. Diverses réclamations peuvent naître à l’occasion de l’affouage. Il convient de faire, à cet égard, comme dans toutes les matières administratives, une distinction. L’acte contre lequel on réclame est un acte purement administratif, fait dans la limite des pouvoirs que la loi confère à l’administration pour accomplir la mission qui lui est confiée ; un préfet, par exemple, prend un arrêté pour régler la forme des rôles, pour prescrire les formalités et les délais de publication des listes ; un conseil municipal prend une délibération pour introduire un nouveau mode de jouissance, pour imposer une taxe affouagère ; ces actes ne peuvent être attaqués par les personnes dont ils blessent les intérêts que devant l’autorité mieux informée, par la voie hiérarchique, en recourant du conseil municipal au préfet, et du préfet au ministre. Ils peuvent encore être annulés d’office par le supérieur hiérarchique, pour violation de la loi. Mais les autorités auxquelles on s’adresse ont un pouvoir discrétionnaire pour admettre la réclamation ou pour la rejeter ; elles ne font pas alors acte de juridiction. Si, au contraire, l’acte attaqué a lésé un droit appartenant à un particulier ; si, par exemple, un habitant prétend qu’il a été omis à tort sur la liste d’affouage, ou qu’on y a porté une personne qui n’y a pas droit ; qu’il existe dans la commune un ancien usage que l’on a méconnu à son détriment ; il y a là un véritable litige qui ne peut être vidé que par la voie contentieuse. Ces règles, qui ne sont que l’application des principes généraux, sont reconnues universellement.

31. Il n’en est pas de même de la distinction à faire entre les juridictions auxquelles appartient la solution des différentes questions. La jurisprudence s’est souvent modifiée à cet égard, tout en restant constante sur certains points, tels que les questions de propriété, d’appréciation des titres, de nationalité et d’état civil, qui appartiennent aux tribunaux civils, et celles relatives au mode de jouissance qui sont dévolues aux juridictions administratives. (L. 10 juin 1793, art. 2, sect. 3.)

32. Le Conseil d’État avait d’abord eu pour jurisprudence que les contestations relatives à l’appréciation des conditions d’aptitude desquelles dérive le droit individuel à la jouissance, étaient du domaine exclusif de l’administration. M. Lebon dit que cette jurisprudence fut établie par trois ordonnances de conflit du 4 mars 1843. (Voy. au surplus les arrêts des 29 janvier et 31 août 1847, 15 janvier et 21 décembre 1849 : on peut consulter encore les arrêts des 8 janvier et 16 mars 1836, 26 décembre 1837, 17 septembre 1838, 1er  juin et 31 juillet 1843, 23 mai, 23 juillet et 7 et 16 décembre 1844). Par suite de cette doctrine, après avoir, dans le principe, attribué à l’autorité judiciaire le droit de décider sur la légitimité et l’existence des usages anciens, le conseil avait reconnu que cette question ressortissait à la juridiction administrative. La juris-