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CONFLIT, 52-55

appliqué à la revendication de cette prérogative du pouvoir administratif.

Mais la jurisprudence admise ou maintenue par la décision précitée du 27 décembre 820 avait été abandonnée, même avant 1828 (3 déc. 1823, 24 mars 1824, 12 janv. 1825 et 26 déc. 1827), et cette nouvelle jurisprudence avait été, en définitive, sanctionnée par l’art. 3 de l’ordonnance du 1er  juin 1828.

52. Dans tous les cas, et quelque opinion que l’on pût se former en théorie sur cette question, la règle établie par l’ordonnance de 1828 était trop précise et trop formelle pour qu-’elle donnât lieu, dans la pratique, à de véritables difficultés. L’utilité de cette règle semble d’auteurs avoir disparu depuis le décret du 19 septembre 1870, qui a abrogé, non- seulement l’art. 75 de la constitution de l’an VIII, mais aussi tcnttes autres dispositions des lots générales et spéciales, ayant pour objet d’entraver les poursuites dirigées contre des fonctionnaires publics de tout ordre. Le Tribunal des conflits, par une décision du 30 juillet 1873, a cependant ressuscité ces dispositions sous une autre forme et même en les aggravant, puisqu’il les a ressuscitées sans tecorrectif et la garantie de l’intervention du Conseil d’État. Nous n’avons pas à reprendre ici la discussion de cette solution, que nous avoas appréciée ailleurs. (Voy. le journal le Droit du 14 nov. 1873. Voy. aussi l’article Fonctionnaires.)

53. M. Batbie (Traité de droit pubHc et administratif, t. III, p. 109) enseigne que le conflit ne pourrait pas non plus être élevé pour revendiquer, sur les poursuites dirigées contre un ministre du culte, l’appréciation préalable réservée au Gouvernement par les art. 6 et 8 de la loi du 18 S germinalanX.il ne saurait y avoir de controverse sur ce point en ce qui touche les poursuites criminelles, puisque le conflit ne peut jamais être élevé en matière criminelle. Mais, en dehors de ce cas, la question peut se présenter dansdeux hypothèses distinctes, selon qu’its’agit : t° de poursuites correctionnelles ou civiles «testées centre un ministre du culte à raison de délits ou de quasi-délits qu’il aurait commis dans l’exercice de son ministère, par exemple, à raison d’injures prononcées en chaire 2° de plaintes portées contre un ministre du culte par un autre ministre du culte ou par un particulier à raison de faits purement ecclésiastiques.

Au premier cas, on pourrait dire que l’appréciation préalable du Gouvernement constitue une question préjudicielle dans le sens de l’art. 2 de l’ordonnance de 1828. Mais, ainsi que l’établit fort bien M. Ddfodb (3e édition, t. V, p. 279), le tribunal qui applique les lois civiles ou pénales à un fait qui en est passible n’excède pas sa compétence et n’empiète pas, quant au fond, sur celle de l’autorité administrative, alors même que ce fait rentrerait en même temps dans les cas prévus par l’art. 6 de la loi de l’an X il ne juge pas une question préjudicielle, il juge le litige lui-même, et son seul tort, s’il en a,un, est de méconnaître la disposition qui subordonne ce jugement à une autorisation préalabledu Gouvernement. Or, ce tort est précisément de la nature de ceux dont le redressement, d’après l’art. 3 de l’ordonnance de 1828, est exclusivement confié à l’autorité judiciaire.

Au second cas, il peut bien arriver que l’autorité spirituelle soit seule compétente et qu’ainsi l’autorité judiciaire soit. incompétente mais l’autorité administrative n’est pas moins incompétente, et par suite, elle est sans qualité pour revendiquer des prérogatives qui ne lui appartiennent pas (noa 17 et suivants, suprà) ; ce sera donc dans le sein même de l’autorité judiciaire que devra se renfermer et se vider le débat sur la compétence.

M. Gaudry (Traite des cultes, t. Ier. p. 423) admet cependant que le conflit pourrait être élevé dans les cas prévus par l’art. 6 de la loi de l’an X, et il cite en ce sens un arrêt du Conseil d’État du 24 mars 1819[1]. Mais cet auteur ne s’est pas aperça que l’airêt qu’il citait était antérieur à l’ordonnance du- f1 juin 1828, et n’avait dès lors, en e«tte matière, aucune autorité.

La difficulté a été incidemment débattue devant le Tribunal des conflits dans une affaire qu’il a jugée le 1er  mai 1875 mais la décision intervenue n’a point eu à la résoudre.

Sect. 4. À quelle phase de l’instance le conflit peut être élevé.

54. La question de savoir à quelle phase de l’instance le conflit peut être élevé est tranchée par l’art. 4 de l’ordonnance du 1er  juin 1828, dont nous rappelons d’abord les termes :

« Hors le cas prévu par le dernier paragraphe de l’art. 8 de la présente ordonnance[2], il ne pourra jamais être élevé de conflit après des jugements rendus en dernier ressort ou acquiescés, ni après des arrêts définitifs. Néanmoins le conflit pouira être élevé en cause d’appel, s’il iw. l’a pas été en première instance, ou s’il l’a été irrégulièrement, après les délais prescrits par l’art. 8 de la présente ordonnance. »

Cet article a eu pour objet de mettre un terme aux controverses et aux incertitudes de la jurisprudence antérieure sur le point qu’il a réglé. Mais quokpr’H renferme, à notre avis, l’une des plus utHes garanties qu’ait établies J’ordonnance de 1828, nous n’y voyons point l’abandon partiel du priœipe môme du nous n’y voyons que la limitation logique et nécessaire de ce principe par un autre principe d’un ordre supérieur et auquel les auteurs de l’ordonnance n’ont fait que restituer sa juste influence et sa part.

55. Que disait-on, en effet, pour soutenir que le conflit devait demeurer possible, même après des jugements en dernier ressort, même après des arrêts définitifs ? Partant de ce point incontestable que l’incompétence, à raison de la matière, est d’ordre public et qu’elle peut être proposée en tout état de cause, on en concluait que nulle prescription, nul laps de temps ne pouvait effacer le vice radical des décisions entachées d’une telle incompétence que les parties ne pouvaient, par leur silence ou même par leur consentement,

  1. M. Gaudry donne à cet arrêt la date da 27 février 1819. C’est là une des nombreuses inexactitudes dont fourmillent à chaque page les citations contenues dans cet ouvrage, d’ailleurs. si recommandable.
  2. C’est-à-dire lorsque le tribunal, sans attendre l’expiration du délai accordé au préfet pour élever le conflit, aurait passé outre au jugement du fond.