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CONFLIT, 38-40

affaires sommaires il importerait peu qu’il fût de nature à être jugé en audience publique, selon les règles communes de la procédure, ou qu’il dût être jugé par le tribunal en chambre du conseil. (28 mars 1866.)

38. Mais il existe dans le sein des tribunaux de première instance, une juridiction spéciale dont 1 importance est devenue considérable, et qui se trouve quelquefois appelée à prendre des décisions, sinon définitives, du moins exécutoires par provision, sur des questions que l’administration peut avoir à revendiquer nous voulons parler de la juridiction des référés, attribuée au président du tribunal, soit dans tous les cas d’urgence, soit lorsqu’il s’agit de statuer sur les difficultés relatives à l’exécution d’un titre exécutoire ou d’un jugement (art. 806 du C. de pr.). Ces deux catégories sont fort larges la première surtout se refuse à toute définition précise, et l’on comprend, à une époque où les travaux publics ont pris une immense développement, que la propriété privée, à l’effet de se défendre contre les atteintes plus ou moins régulièrement portées à ses droits pour l’exécution de ces travaux, ait plus d’une fois songé à employer l’arme expéditive et commode du référé ; car la décision peut être immédiate, et bien qu’elle soit susceptible d’appel, elle est exécutoire par provision elle peut même être exécutée sur minute. (Même Code, art. 809 et 811.) De là est née la question de savoir si le conflit peut être élevé devant le juge des référés. Pour établir la négative, on peut dire, et l’on a dit 1° que, dans le système de l’ordonnance de 1828, le conflit n’est possible que devant les tribunaux et cours, et que dès lors cette ordonnance l’exclut implicitement dans une instance portée seulement devant le président du tribunal 20 que le conflit suppose et exige l’action du ministère public, lequel n’est pas appelé à intervenir dans les référés 3° qu’il comporte l’observation de formes et de délais inconciliables avec la rapidité de cette procédure spéciale. Ces objections, si elles devaient prévoloir, ne s’appliqueraient qu’au premier degré de juridiction, c’est-à-dire à l’instance devant le président elles ne permettraient pas de contester la régularité du conflit qui serait élevé sur l’appel de l’ordonnance rendue, de même que le conflit, qui n’est pas possible devant les juges de paix et devant les tribunaux de commerce, peut être élevé sur l’appel de leurs jugements. Mais sont-elles fondées, même en ce qui concerne la première phase du référé ? Telle n’a pas été l’opinion du comité de législation du Conseil d’État. Consulté sur cette question par le ministre des travaux publics, il a émis, à la date du 3 mai 1844, un avis par lequel, après avoir établi que l’administration peut être citée en référé. il a résolu, dans les termes suivants, la question de savoir si et comment le conflit peut être élevé dans cette procédure spéciale :

« Considérant… qu’il n’existe aucun obstacle à ce que le conflit soit élevé en référé ; que le présidentd’un tribunal depremièreinstance jugeant en référé n’exerce pas une juridiction exceptionnelle qu’il exerce la juridiction ordinaire du tribunal dont l’autorité lui a été déléguée par la loi pour les cas d’urgence et l’exécution des titres parés que des lors l’administration, quand elle est citée en référé, se trouve devant la juridiction où le préfet est autorisé à élever le conflit que rien ne s’oppose ce que le procureur du Roi assiste au référé qu’il doit y assister lorsque l’État est en cause, la généralité des art. 83 et 112 du Code de procédure civile comprenant les référés comme les causes ordinaires que le préfet devra, comme il le ferait devant le tribunal de première instance, adresser son déclinatoire au procureur du Roi que le président sera tenu de statuer sur le déclinatoire et d’ordonner lui-même, après l’arrêté de conflit, qu’il soit sursis à l’exécution que les délais de l’ordonnance du 1 er juin 1828, introduits dans l’intérêt des justiciables et comme maximum du temps laissé à l’administration pour revendiquer les questions qui lui paraissent de sa compétence, ne font pas obstacle à ce que le déclinatoire soit présenté et l’arrêté de conflit déposé au greffe le même jour, à ce que le préfet prenne connaissance de l’ordonnance sur minute, etc. ;

« Est d’avis : 1° que, quand l’administration des travaux publics est citée en référé, elle ne peut empêcher l’exécution provisoire d’une ordonnance sur référé qu’en élevant le conflit dans les questions qui lui paraissent de la compétence administrative 2° que le conflit peut être régulièrement élevé devant le président du tribunal civil, qui exerce la juridiction même du tribunal par délégation de la loi que le préfet devra suivre les formes ordinaires, en renonçant toutefois à tous les délais incompatibles avec la célérité des référés. »

La question, depuis lors, a été implicitement ou explicitement résolue dans le même sens par deux décisions du Conseil d’État des 22 janvier 1867 et 18 novembre 1869 et par deux décisions du Tribunal des conflits des 14 décembre 1872 et 11 janvier 1873.

ART. 4. DES CONFLITS DEVANT LES JUGES DE PAIX, LES TRIBUNAUX DE COMMERCE, LA COUR DE CASSATION, ETC.

39. En dehors des tribunaux civils et des cours d’appel, la jurisprudence a été appelée à décider si le conflit peut être élevé devant les juges de paix, considérés, soit comme juges civils, soit comme juges de police, et devant les tribunaux de commerce. On s’est demandé, en outre, s’il peut être élevé devant le jury d’expropriation pour cause d’utilité publique, devant les conseils de prud’hommes on peut se le demander enfin quant aux tribunaux militaires ou maritimes, quant à la Cour de cassation, etc.

40. En ce qui touche d’abord les juges de paix et les tribunaux de commerce, l’intention des auteurs de l’ordonnance de 1828 ne parait pas douteuse. On lit, en effet, dans l’avis qu’ils ont rédigé à l’appui de cette ordonnance, qu’ellerestreint les cas du conflit, en ne permettantplus de l’élever. nt sur les jugements de juges de paix, ni sur les jugements des tribunaux de commerce, etc. M. TAILLANDIER, secrétaire de la commission, déclare (p. 159) que ce n’est point implicitement qu’elle a entendu bannir de la législation les conflits en cette matière ; qu’elle s’est livrée à une controverse animée sur cette question, et que la majorité a pensé que les cas