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CONFLIT, 15-18

15. Ce tribunal ne pouyait, du reste, survivre à la constitution de 1848 ; if ne pouvait du moins prendre place dans la constitution de 1852. L’art. 17 du décret organique du 25 janvier 1852 a en effet rendu au Conseil d’État la connaissance des conflits, qu’il a conservée jusqu’à sa suppression en septembre 1870. La commission provisoire qui l’a momentanément remplacé (D. 15 sept. 1870) a également statué sur les conflits pendant le temps où elle a existé.

16. Aujourd’hui la matière est régie par la loi du 24 mai 1872 sur le Conseil d’État. Le titre IV de cette loi intitulé Des conflits et du Tribunal des conflits, contient les dispositions suivantes :

« Art, 25. Les conflits d’attributions entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire sont réglés par un tribunal spécial, composé 1° du garde des sceaux, président ; 2° de trois conseillers d’État en service ordinaire, élus par les conseillers en service ordinaire ; 3° de trois conseillers à la Cour de cassation, nommés par leurs collègues ; 40 de deux membres et de deux suppléants, qui seront élus par la majorité des autres juges désignés aux paragraphes précédents. Les membres du Tribunal des conflits sont soumis réélection tous les trois ans et indéfiniment iveKgibles. Ils choisissent un vice-président au scrutin secret et à la majorité absolue des voix. Ils ne peuvent délibérer valablement qu’au nombre de cinq membres présents au moins.

« Art. 26. Les ministres ont le droit de revendiquer devant le Tribunal des conflits les affaires portées la section du contentieux et qui n’appartiendraient pas au contentieux administratif. Toutefois, ils ne peuvent se pourvoir devant cette juridiction qu’après que la section du contentieux a refusé de faire droit à la demande en revendication qui doit lui être préalablement communiquée[1].

« Art. 27. La loi du 4 février 1850 et le règlement du 26 octobre 1849, sur le mode de procéder devant le Tribunal des conflits, sont remis en vigueur. »

17. Nous n’avons jusqu’ici envisagé qu’une seule des faces de la question ; nous n’avons jusqu’ici supposé que l’empiétement de l’autorité judiciaire sur l’autorité administrative, et nous n’avons recherché et constaté que les règles établies pour réprimer cet empiétement. Mais l’hypothèse inverse peut se présenter l’autorité administrative peut, à son tour, envahir le domaine de l’autorité judiciaire ; celle-ci aura-t-elle le droit d’élever le conflit pour faire régler par le chef de l’État les attributions respectives des deux autorités ?

Une décision, du 29 juin 1811, avait admis l’affirmative. Mais cette doctrine, implicitement abandonnée par une autre décision du 22 décembre 1811, fut explicitement condamnée par une décision du 3 juillet 1822, et la doctrine contraire a depuis.longtemps cessé de faire question. « Le Conseil d’Etat, dit M. Boblàtignieh, n’admet pas que les tribunaux puissent élever le conflit contre l’administration, et il est naturel de penser que, si le législateur avait voulu leur conférer ce droit, il aurait pris soin d’en régler l’exercice. La vérité est qu’en instituant le conflit, on a eu surtout en vue de, protéger l’autorité administrative contre les empiétements de l’autorité judiciaire. Et lorsqu’on y réfléchit, cette partialité du législateur est plus apparente que réelle ; en effet, si les tribunaux ne peuvent eux-mêmes, dans l’intérêt de leurs attributions, déféïer au Roi en Conseil d’État les actes de l’administration qui empiètent sur le domaine de l’autorité judiciaire, ce droit appartient, d’après la loi des 7-14 octobre 1790[2] à toute partie intéressée ; il s’applique aux actes de toute autorité administrative quelconque, et il peut s’exercer dans les fermes et avec les garanties établies pour les affaires contentieuses. »

On peut ajouter, avecM. SEnRiGNY(t.l ?r, n° 164), que le droit d’élever le conflit répugnerait à la nature du pouvoir judiciaire, soit parce que ce pouvoir est irresponsable, soit surtout parce qu’il n’a pas l’action et l’initiative qui appartiennent au pouvoir administratif. Toutefois, aucune de ces raisons n’est, en elle-méme, absolument décisive il serait possible de concevoir un système qui, tenant la balance égale entre les deux autorités, organiserait les moyens de veiller à tous les empiétements et de les déférer, dans l’un et l’autre cas, au juge suprême des compétences. Ce qui demeure vrai, c’est que le droit d’élever le contlit positif, dans l’état actuel, est exclusivemeat remis à l’administration pour la défense de ses propres prérogatives ; ce qui demeure vrai, c’est que les prérogatives de l’autorité judiciaire n’ont pas, au même degré, besoin d’un tel secours.

18. Aujourd’hui encore, la législation de la matière est presque tout entière dans l’ordonnance du 1er juin 1828. Il faut y ajouter les dispositions des art. 6 et 7 de l’ordonnance du 12 mars 1831, qui ont remplacé on modifié celles des art. 15 et 16 de l’ordonnance de 1828. Il faut y ajouter aassi les dispositions ci-dessus rapportées de la loi du 24 mai 1872. Il faut y ajouter enfin la loi du 4 février 1850 et le règlement du 26 octobre 1849[3].

  1. L’art. 47 de la loi du 3 mai 1849 sur le Conseil d’État de 1848 contenait déjà une disposition analogue, restreinte cependant au ministre de la justice seul. Elle n’a reçu aucune application pendant la durée de cette institution (1849-1851). Il en sera probablement de même de l’art. 26 de la loi actuelle, sur le mérite duquel on peut consulter les observations critiques qu’il a inspirées à M. Ducrocq. (Court de droit administratif, 4e édit., no 364).
  2. Voy. aussi le décret du 2 novembre 1864 et l’art. 9 de la loi du 24 mai 1873.
  3. La loi du 4 février 1850, dont les trois premiers articles ont été modifiés par l’article 25 de celle du 24 mai 1872, est ainsi conçue dans les articles suivants :

    « Art. 4. Les décisions du Tribunal des conflits ne pourront être rendues qu’après un rapport écrit, fait par l’un des membres du Tribunal sur les conclusions du ministère public.

    « Art. 5. Les fonctions de rapporteur seront alternativement confiées à un conseiller d’État et à un membre de la Cour de cassation, sans que cet ordre puisse être interverti.

    « Art. 6. Les fonctions du ministère public seront remplies par deux commissaires du Gouvernement choisis tous les ans par le président de la République, l’un parmi les maîtres des requêtes au Conseil d’État, l’autre dans le parquet de la Cour de cassation. Il sera adjoint à chacun de ces commissaires un suppléant choisi de la même manière et pris dans les mêmes rangs pour le remplacer en cas d’empêchement. Ces nominations devront être faites chaque année avant l’époque fixée pour la reprise des travaux du Tribunal.

    Art. 7. Dans aucune affaire, les fonctions de rapporteur et