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CAPITULATIONS, 6-10 — CARDINAL

dées par la force des choses ou par l’intérêt même des justiciables. Ainsi, à Constantinople et dans les principales villes, on a institué des tribunaux mixtes, composés de juges musulmans et de juges étrangers, et les procès engageant une valeur de plus de 4,000 aspres, au lieu d’être déférés au Divan impérial, sont jugés, d’un commun accord, par les tribunaux locaux, afin d’éviter les frais et les délais.

6. En Égypte, où la population européenne a atteint un chiffre considérable, le régime des capitulations a subi, en fait, des modifications plus profondes. Les tribunaux étrangers ont étendu leur juridiction aux contestations élevées même entre indigènes et étrangers, quand ceux-ci sont défendeurs, suivant la règle : actor sequitur forum rei, que les étrangers avaient adoptée entre eux.

7. Voici, du reste, quelle était l’organisation judiciaire des consuls français, dont la compétence s’exerçait tant au civil qu’au criminel :

Au civil, l’affaire devait être jugée en premier ressort par un tribunal composé du consul et de deux assesseurs élus parmi les notables de la nation : l’appel était porté devant la cour d’Aix.

En matière pénale, une loi du 28 mai 1836 avait établi la procédure. Ainsi, d’après cette loi, les contraventions de simple police étaient de la compétence exclusive du consul. Les délits de police correctionnelle étaient d’abord soumis au jugement du tribunal consulaire ; il pouvait être interjeté appel du jugement devant la cour d’Aix. — Quant aux crimes emportant peine afflictive et infamante, le consul avait mission de les instruire.

L’instruction terminée, l’accusé était renvoyé, avec le dossier de la procédure et les pièces à conviction, au procureur général près la cour d’Aix. La cour statuait sans l’assistance de jurés ni de témoins, et seulement sur le vu des pièces.

8. En 1867, le gouvernement du khédive s’adressa aux cabinets européens pour obtenir la révision du système judiciaire en Égypte. Son ministre, Nubar Pacha, prépara un projet de réforme par lequel il réclamait l’organisation d’une juridiction unique qui connût des procès entre indigènes et étrangers. Une commission de jurisconsultes français fut réunie à Paris, sous la présidence de M. Duvergier, pour examiner ces propositions.

9. En 1869, un congrès international convoqué au Caire étudia de nouveau la réforme. À l’unanimité, les membres du congrès admirent la nécessité d’un tribunal unique, chargé d’exécuter lui-même ses sentences, indépendamment de tout pouvoir administratif, consulaire ou local.

Enfin, une commission réunie à Constantinople en 1873 arrêta un projet d’organisation judiciaire auquel ont adhéré les principaux États de l’Europe et les États-Unis.

10. Suivant ce règlement, le régime judiciaire en Égypte est organisé ainsi qu’il suit :

Trois tribunaux de première instance sont établis à Alexandrie, au Caire, à Zagazig, chacun composé de 7 juges (4 étrangers et 3 indigènes).

Une cour d’appel, siégeant à Alexandrie, comprend 11 conseillers (7 étrangers et 4 indigènes).

La cour d’assises se compose de trois conseillers (2 étrangers, 1 indigène). Les douze jurés sont étrangers ; dix d’entre eux devront toujours appartenir soit à la nationalité de l’inculpé, soit à la nationalité que celui-ci désignera.

11. En matière civile et commerciale, la compétence de la nouvelle juridiction s’étend à toutes contestations entre indigènes et étrangers, ou même entre étrangers de nationalités différentes : elle s’étend aussi aux actions réelles immobilières entre toutes personnes.

En matière pénale, les nouveaux tribunaux connaissent des contraventions, ainsi que des crimes ou délits commis par ou contre leurs membres, soit dans l’exercice de leurs fonctions, soit à l’occasion de l’exécution de leurs jugements.

Enfin l’organisation actuelle a été déclarée exécutoire pendant cinq années, sans modifications possibles. Après cette période d’essai, les puissances seront libres de revenir aux anciens principes.

12. Tel est l’ensemble des lois qui régissent aujourd’hui la condition des étrangers en Orient. La Turquie a conservé presque entièrement le régime des capitulations ; l’Égypte a fait subir à ce régime de profondes modifications, notamment en ce qui concerne l’organisation judiciaire.

Ce qui caractérise plus particulièrement cette législation, c’est l’application de lois étrangères en dehors du territoire de la nation qui les a faites. Mais cette violation du principe que chaque peuple doit vivre indépendant chez lui se justifie par l’impossibilité où l’on se trouve de soumettre les chrétiens à un Code si différent du leur[1]. Lorsque la civilisation orientale se sera progressivement élevée au niveau de la nôtre, le régime d’exception actuellement en vigueur pourra disparaître. Mais tant qu’une pareille révolution ne se sera pas opérée, les gouvernements européens ne sauraient renoncer aux garanties que leur assurent les capitulations. Julien Lavollée.

bibliographie.

Codex Juris Gentium de Wenck. Leipzig, 1795.

Recueil des règlements consulaires des échelles du Levant et de Barbarie. Impr. impériale. 1812.

De la juridiction française dans les échelles du Levant, par M. Féraud-Giraud. In-8o, 2e édit. Paris. 1866.

La réforme judiciaire en Égypte et les capitulations. Alexandrie, impr. française de A. Mourès. 1874.

Voy. aussi De Clercq et de Vallat. Guide pratique des consulats.

CARDINAL. La dignité de cardinal est la plus élevée dans la hiérarchie ecclésiastique. Les cardinaux prennent rang avant les archevêques ; ils composent le sacré-collége et leur prérogative la plus importante consiste à élire le souverain pontife.

Les cardinaux sont nommés par le pape et généralement sur la présentation de leurs souverains. Un ablégat nommé à cet effet apporte la barrette aux cardinaux absents, mais il faut qu’ils se rendent à Rome pour y recevoir des mains du saint-père le chapeau cardinalice.

En France, les cardinaux nommés avec le concours de l’État sont choisis parmi les archevêques

  1. Les lois civiles des pays mahométans étant tirées du Coran, se confondent parfois avec la loi religieuse. On se soumet volontiers aux lois civiles d’une autre contrée, mais non aux lois religieuses.