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ADMINISTRATION, 3-8.

justifie ou critique. Le droit, de son côté, fait connaître implicitement ou explicitement les principes économiques ou moraux adoptés par la majeure partie d’une nation. Il en est habituellement l’expression la plus nette, la plus concise, la plus vraie et aussi la moins passionnée.

Le Dictionnaire ne traitera que du droit administratif.

3. La tâche, ainsi limitée, n’en est pas moins extrêmement vaste. Il s’agit de colliger un grand nombre de lois, décrets, ordonnances, règlements, instructions ; de les analyser, de distinguer entre les dispositions en vigueur et des dispositions abrogées ou tombées en désuétude, et de classer avec méthode les matériaux ainsi réunis. Ce n’est pas tout. Quelque explicite que soit une loi, quelque détaillées que soient les instructions du ministre, il est impossible que tous les cas soient prévus, qu’il ne se produise pas quelque malentendu, quelque divergence d’interprétation. Les doutes qui en naissent, les contestations même qui en sont la suite, donnent lieu à des solutions sous forme d’arrêt du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de décision du ministre. La pensée du législateur se trouve ainsi commentée, d’un côté, par la jurisprudence, et de l’autre, par la tradition des bureaux, commentaires précieux, qui facilitent l’étude du droit administratif et le font gagner en profondeur et en étendue.

4. On demandera peut-être pourquoi il n’existe pas un Code administratif, comme il existe un Code de commerce, un Code pénal, etc. ? La réponse est simple. Ces Codes règlent des intérêts privés, qui varient d’un individu à l’autre, mais qui se classent naturellement sous un certain nombre de principes assez fixes. Le droit administratif est également régi par des principes généraux ; mais leur application peut varier avec les circonstances politiques et sociales. De nouveaux besoins peuvent surgir ; des faits politiques, économiques, sociaux, imprévus peuvent se présenter et provoquer de nouvelles mesures, de nouvelles dispositions législatives. Un Code renfermant seulement les principes serait une œuvre incomplète, et si l’on voulait y faire entrer tous les détails pour les fixer, on arrêterait tout progrès.

5. D’un autre côté, la législation administrative est appelée à régler des matières si nombreuses et si différentes les unes des autres, qu’il paraît difficile, et peut-être illogique, de les réunir en un seul Code. Le droit privé n’est-il pas également divisé en plusieurs ? Or, rien n’empêche de considérer comme autant de Codes les lois organiques qui régissent les principales parties de l’administration.

L’absence d’un Code peut encore s’expliquer par la nécessité réelle ou présumée de conférer à l’administration un certain pouvoir discrétionnaire, afin qu’elle puisse tenir compte des circonstances. N’a-t-on pas dit : administrer c’est transiger !

En tout cas, ce qui importe, c’est que les dispositions législatives soient suffisamment précises et complètes, pour que chaque service public se trouve réglé, chaque intérêt protégé, en un mot, pour que la grande machine administrative, dont nous allons étudier le mécanisme, puisse fonctionner sans entrave et avec la régularité indispensable au bien du service.

CHAP. II. — DE L’ADMINISTRATION EN GÉNÉRAL ET DE SES RAPPORTS AVEC LES POUVOIRS DE L’ÉTAT.
Sect. 1. — Des pouvoirs de l’État.

6. La société ne saurait exister sans lois. Les lois sont en général établies d’une manière solennelle et en suivant des formes particulières. En France, la Constitution prescrit le mode d’après lequel les lois doivent être faites. Dues soit à l’initiative du Gouvernement, soit à celle d’un ou de plusieurs députés, elles sont souvent préparées par le Conseil d’État, délibérées et votées par les représentants de la nation, enfin promulguées par le chef de l’État ou par le pouvoir exécutif, termes que nous considérons comme à peu près synonymes. L’influence des pouvoirs publics, empereur, roi ou président de la République d’une part, et Assemblées ou Chambres de l’autre, est réglée par la Constitution ; nous renvoyons donc à ce mot. Néanmoins, quelle que soit la forme du gouvernement établi à un moment donné, on retrouvera toujours dans le droit public français certains principes permanents qui apparaissent ainsi plutôt comme des questions de logique, ou de bon sens, que comme des règles de droit. Nous saisirons plus d’une fois l’occasion de distinguer ce qui, dans notre administration, est permanent de ce qui est casuel ; nous devons signaler ici, parmi les principes les mieux établis, la distinction des divers pouvoirs, en législatif, exécutif, judiciaire.

7. Le pouvoir exécutif réunit en lui trois autorités, dont les fonctions sont bien distinctes : le gouvernement, l’administration, la justice.

Le gouvernement[1] comprend la direction supérieure des intérêts de l’État, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur : il donne l’impulsion à l’administration, et la justice se rend en son nom. C’est encore faire acte de gouvernement que de nommer les juges et les fonctionnaires administratifs ; c’est pourquoi ces nominations se font par décret.

L’administration et la justice sont plus spécialement appelées à exécuter ou appliquer les lois ; mais chacune exerce son autorité dans une sphère particulière.

Sect. 2. — De l’administration en général.

8. L’administration peut être définie : l’ensemble des services publics destinés à concourir à l’exécution de la pensée du Gouvernement et à l’application des lois d’intérêt général. On confond souvent, mais à tort, le Gouvernement avec l’administration. Cette confusion provient peut-être de ce que l’autorité gouvernementale et l’autorité administrative sont souvent réunies dans la même personne, comme dans celle du chef de l’État ou des ministres ; de ce que les fonction-

  1. Le sens du mot Gouvernement n’est pas encore fixé par l’usage. Selon la plupart des auteurs, le gouvernement c’est la direction supérieure de l’État, de l’administration et de la justice ; c’est plus que le pouvoir exécutif. D’autres considèrent gouvernement purement et simplement comme synonyme de pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire non compris. Une troisième manière de voir consiste à entendre par gouvernement la puissance publique tout entière, renfermant les pouvoirs législatif et exécutif. Nous penchons pour cette dernière définition, mais nous avons cru devoir nous soumettre à l’usage le plus général. En politique, le terme de gouvernement prend volontiers un sens un peu vague, favorable à certaines natures de discussion.