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BREVETS D’INVENTION, 84-88.

84. Le tribunal correctionnel, saisi d’une action en contrefaçon, statue sur les exceptions tirées, soit de la nullité ou de la déchéance du brevet, soit des questions relatives à la propriété de ce brevet. « Très-souvent les contrefacteurs, dit M. le marquis de Barthélemy dans son rapport à la Chambre des pairs, ne dirigent cette action en nullité ou en déchéance que pour gagner du temps et continuer leur industrie illicite, si préjudiciable à l’inventeur, pendant le temps qu’exigent de longues procédures et la nécessité de parcourir les divers degrés de juridiction. Cette coupable manœuvre ne doit point être encouragée, et nous avons dû adopter des dispositions qui ne présentassent pas l’inconvénient de donner à juger trois procès au lieu d’un, et permissent de donner un cours beaucoup plus prompt à l’action de la justice. En vain objectera-t-on que, lorsque les questions de propriété sont soulevées devant les tribunaux correctionnels, ces tribunaux doivent surseoir à statuer, et ne doivent point en connaître ; ordinairement ces exceptions ont trait à la propriété foncière, ou tout au moins à des droits d’une autre nature que ceux résultant d’un brevet d’invention. Ce brevet ne constitue qu’un privilége temporaire ; les profits qui en résultent peuvent être limités à un temps très-court. N’est-il pas d’un haut intérêt pour un inventeur qu’un atelier de contrefaçon qui lui fait une injuste concurrence soit promptement brisé ? »

85. Toutefois, cette attribution extraordinaire qui permet aux tribunaux correctionnels de statuer, sous forme d’exceptions, sur des contestations purement civiles, ne s’étend pas aux cas où il s’agirait d’actions civiles distinctes qui viendraient accessoirement se joindre à l’action en contrefaçon. « Saisi du jugement du délit en contrefaçon, dit encore M. de Barthélemy, le tribunal correctionnel aura à apprécier les circonstances de la cause. Suivant que de ces circonstances résultera le plus ou moins de bonne foi des parties, ou il accordera le sursis en fixant un délai raisonnable pendant lequel l’action civile sera jugée, ou il refusera le sursis demandé, s’il voit que ce sursis n’est qu’un prétexte pour échapper aux dispositions dudit art. 46, et pour reproduire ce circuit d’actions, ce double procès que le législateur a voulu éviter. C’est ainsi, nous l’espérons du moins, que l’on échappera, dans la pratique, aux inconvénients que vous avez voulu prévenir et que l’on paraît encore redouter. Nous nous confions à cet égard, et sans réserve, à la sagesse, à la prudence et au discernement des juges. »

86. Il importe d’ajouter que le breveté dont les produits ont été contrefaits n’a pas besoin de porter son action devant le tribunal correctionnel : il peut se contenter de demander, devant la juridiction civile, la réparation du dommage causé par la contrefaçon.

87. Que le demandeur opte pour la voie civile ou la voie correctionnelle, la procédure à suivre dans les actions en contrefaçon est régie par le droit commun en tous points pour lesquels la loi spéciale n’y a pas dérogé. Sous ce rapport, l’art. 47 a résolu bien des doutes qui avaient subsisté sous la législation antérieure, et que la jurisprudence n’avait pas pu trancher d’une manière définitive.

Cet article, le voici :

« Les propriétaires de brevets pourront, en vertu d’une ordonnance du président du tribunal de première instance, faire procéder, par tous huissiers, à la désignation et description détaillées, avec ou sans saisie, des objets prétendus contrefaits.

« L’ordonnance sera rendue sur simple requête, et sur la représentation du brevet ; elle contiendra, s’il y a lieu, la nomination d’un expert pour aider l’huissier dans sa description.

« Lorsqu’il y aura lieu à saisie, ladite ordonnance pourra imposer au requérant un cautionnement qu’il sera tenu de consigner avant d’y faire procéder.

« Le cautionnement sera toujours imposé à l’étranger breveté qui requerra la saisie.

« Il sera laissé copie au détenteur des objets décrits ou saisis, tant de l’ordonnance que de l’acte constatant le dépôt du cautionnement, le cas échéant, le tout à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l’huissier. »

88. Cependant le droit conféré au demandeur par cet art. 47 trouve son correctif ou son contrepoids dans l’art. 48, qui déclare nulle toute saisie ou description qui n’est pas suivie dans la huitaine, non compris les délais légaux relatifs aux distances, d’une action intentée, soit devant le tribunal civil, soit devant le tribunal correctionnel. Des dommages-intérêts pourraient en outre être réclamés par le saisi. Maurice Block.

bibliographie.

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Recueil des loi, arrêtés et décrets sur les brevets d’invention, de perfectionnement et d’importation. In-8°. Paris, Gustave Pissin.

Analyse des réponses aux questions proposées pour la révision des lois sur les brevets d’invention. In-8°. 1829. (Officiel.)

Instruction théorique et pratique sur les brevets d’invention, par le chef du bureau des manufactures au ministère du commerce. In-8°. 1829.

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Traité de la contrefaçon et de sa poursuite en justice, concernant les brevets d’invention, les marques de fabriques, la propriété littéraire, les œuvres musicales, la peinture, gravure et sculpture, etc., etc.. par Étienne Blanc. In-8°. Paris, l’auteur, Raymond. 1837.

Des contrefaçons en tout genre et de la propriété en matière de littérature, théâtre, musique, peinture, marques et dessins de manufactures, noms et enseignes, par Gastembide. l vol. 1837.

Guide de l’inventeur dans les principaux États de l’Europe, etc., par Ch. Armengaud jeune. In-8°. Paris. 1840.

Catalogue de spécification des principes, moyens et procédés pour lesquels il a été pris des brevets d’invention, de perfectionnement ou d’importation de 1791 à 1828, 1 vol. Idem, de 1828 à 1842, 1 vol. Suppléments annuels. In-8°.

Manuel des inventeurs et des brevetés, par A. Perpignan. 1re édit., 1834. In-8°. Paris l’auteur. 7e édit., 1844.

Traité des brevets d’invention, de perfectionne-