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BREVETS D’INVENTION, 2-7.

chap. v. transmission ou cession, licence, 71 à 80.
vi. contrefaçon, 81 à 88.
Bibliographie.

chap. i. — introduction.

2. Le droit de l’inventeur est un produit de la civilisation moderne. Dans l’antiquité, le travail était le sort de l’esclave, il était, par conséquent, considéré comme dégradant. Au moyen âge, le travail, sans être suffisamment honoré, cesse peu à peu d’être un stigmate ; mais l’industrie était réglementée, enchaînée. Les procédés industriels étaient prescrits par l’autorité, et en s’en écartant, on commettait une contravention, un délit, quelquefois même un crime emportant peine infamante. C’est alors qu’au banquet de l’industrie il n’y avait point de place pour l’inventeur. Il fallut une révolution sociale pour la lui conquérir, et il ne l’obtint que sur les ruines d’un système industriel né de la barbarie et destiné à périr avec elle.

3. En France[1], le droit de l’inventeur fut reconnu pour la première fois par la loi du 7 janvier 1791. Mais à peine établi, il donna lieu à une controverse, qui dégénéra par moments en polémique ardente. Il s’agissait de déterminer la nature de ce droit et surtout des faveurs législatives qu’il convenait de lui accorder.

Les uns le nièrent tout à fait ou, du moins, répudièrent tout monopole au nom de la liberté et de l’intérêt social. D’autres, au contraire, comparèrent le droit de l’inventeur au droit de propriété et demandèrent qu’il fût absolu et perpétuel. La législation d’aucun pays civilisé n’a consacré l’une ou l’autre de ces opinions extrêmes, et le terme moyen qui a prévalu partout semble basé sur le raisonnement suivant.

Sect. 1. — Droits de l’inventeur.

4. Une découverte ou une invention. peut se faire de deux manières : fortuitement, par hasard, ou au moyen de recherches plus ou moins longues, plus ou moins pénibles.

Toute invention utile étant un service rendu à la société, et tout service méritant salaire ou récompense, il serait injuste de vouloir en frustrer l’inventeur favorisé par un heureux hasard. Ajoutons, du reste, que, dans la plupart des cas, il serait impossible de distinguer entre l’effet du hasard et le résultat des efforts de l’inventeur.

Mais un petit nombre seulement d’inventions sont dues au hasard. La plupart sont le produit de recherches quelquefois difficiles, souvent longues et coûteuses. Et pourquoi l’inventeur ne jouirait-il pas du produit de son travail comme tout autre ouvrier intellectuel ou manuel ? Pourquoi ne lui permettrait-on pas de rentrer dans ses déboursés ? Il est libre,.dira-t-on, d’exploiter son industrie. Mais si le seul moyen d’obtenir des capitaux consiste à jouir d’un privilège temporaire ? Or, sans capitaux il n’y a pas moyen d’exploiter.

Au surplus, l’injustice commise envers l’inventeur ne resterait pas sans punition ; peu de personnes risquant leur temps, leur travail et leur argent sans l’espoir d’un profit équivalent, la société se trouverait presque privée de toutes les richesses et de presque tous les perfectionnements qu’un système plus libéral lui aurait procurés.

Sect. 2. — Droits de la société.

5. Toutefois, le droit de l’inventeur n’est pas absolu. Il serait tout aussi injuste de lui donner trop que pas assez. Reconnaître la propriété absolue d’une invention, ce serait spolier la société tout entière au profit d’un seul.

En effet, l’inventeur n’a pas créé son œuvre de toutes pièces ; tout n’y est pas nouveau, la majeure partie est due au fonds accumulé par des siècles, peut-être même à un germe appartenant au domaine public.

De plus, l’idée trouvée aujourd’hui par l’un l’aurait peut-être été demain par un autre. Souvent encore la même idée vient a plusieurs personnes à la fois, et comment accorder un privilége perpétuel à celui qui aurait réclamé sa récompense quelques heures avant les autres ?

Il convient de dire qu’en s’appuyant sur ces raisons plus d’un esprit distingué a proposé de supprimer les brevets ; mais nous pensons que les mesures radicales sont rarement justes.

Sect. 3. — Transaction entre l’inventeur et la société.

6. En présence de deux droits opposés, il importe de faire équitablement la part de chacun. L’inventeur n’ayant, au fond, que le mérite de la priorité, en ce que son idée aurait été trouvée tôt ou tard, les lois lui accorderont un monopole seulement temporaire, considéré comme l’équivalent de la moyenne du temps qui se serait écoulé jusqu’à ce que l’invention eût été faite une seconde fois. On comprend que cette évaluation a dû être tranchée d’une manière presque arbitraire ; seulement, en fixant ce terme à quinze années, on ne l’a peut-être pas assez étendu.

En présence de ce privilége temporaire, l’inventeur doit à la société la communication sincère de son secret. S’il cherchait à éluder cette condition, il manquerait à ses engagements, et le contrat intervenu entre lui et la société serait nul de plein droit.

Sect. 4. — Législation antérieure.

7. La première loi française concernant les brevets d’invention fut votée le 30 décembre 1790, par l’Assemblée constituante, et sanctionnée par le roi le 7 janvier 1791. Peu après, le 25 mai 1791, le roi sanctionna un règlement d’administration publique, ou, comme on disait alors, règlement d’exécution, voté également par le pouvoir législatif. Cette seconde loi modifia en quelques points la première.

Un nouvel acte législatif intervint le 20 septembre 1792 pour annuler les 14 brevets pris jusqu’alors pour des combinaisons financières et pour interdire la délivrance de pareils brevets à l’avenir.

L’art. 357 de la Constitution de l’an III confirma solennellement le droit des inventeurs en ces termes : « La loi doit pourvoir à la récompense des inventeurs, ou au maintien de la propriété exclusive de leurs découvertes ou de leurs productions. »

Ces droits furent confirmés d’une manière peut-être encore plus éclatante à l’occasion de la discussion qui eut lieu à ce sujet dans le conseil des Cinq-Cents. Le 14 pluviôse an VI (2 fév. 1798), Eude présenta, au nom d’une commission de cette

  1. La législation la plus ancienne sur les inventions industrielle est celle de l’Angleterre. Elle date de 1623. Celle des Américains la suit, de loin, il est vrai ; celle de la Franc ne vint qu’en troisième lieu.