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BATEAUX À VAPEUR, 2-5

commencements, dit un article du temps (1815) en parlant du bateau de la Clyde, qui faisait un service de voyageurs et de marchandises entre Glasgow et Greenoch, la nouveauté du véhicule, et l’espèce de danger auquel on croyait qu’il exposait les voyageurs, en rendait le nombre si peu considérable, que le seul bateau qui fût établi sur la rivière pouvait à peine faire ses frais[1]. »

2. Lorsque la navigation à vapeur s’introduisit en France, l’administration se trouva en présence d’un problème qui demandait une solution immédiate réclamée par quelques accidents dont l’inévitable hostilité attachée aux innovations avait fait grand bruit. L’administration laisserait-elle, ainsi que le font les Américains, entièrement libre l’usage de ces moteurs, dangereux comme tout ce qui est puissant, ou bien soumettrait-elle cet usage à certaines conditions qu’une expérience encore novice indiquait cependant déjà ? Elle adopta cette solution mixte, qui découlait naturellement de l’esprit général qui l’anime : réglementer dans l’intérêt public en cherchant à imposer le moins de gêne possible à l’intérêt privé. Une ordonnance du 2 avril 1823[2], la première qui, en France, ait concerné les appareils à vapeur[3], assujettit les steamboats à la surveillance de commissions spéciales instituées dans chaque département où existait dès lors la navigation à vapeur, et il résulte des considérants, que cette navigation existait en 1823 sur plusieurs de nos fleuves, et particulièrement sur la Garonne dès 1821. À la même époque (1823) on institua la Commission centrale des machines à vapeur à laquelle fut confié le soin de veiller à la bonne exécution des nouveaux règlements, de résoudre tous les cas incertains en interprétant la pensée de l’administration, et de proposer les modifications que l’expérience indiquerait successivement comme méritant le nom de perfectionnements.

3. Ces commissions qui, encore aujourd’hui, forment la partie essentielles de la surveillance exercée, devaient être composées (art. 1er) de personnes expérimentées, et présidées par des ingénieurs en chef des ponts et chaussées et des mines, ou, à leur défaut, par des ingénieurs ordinaires. Leur mission était de s’assurer, tous les trois mois, (art. 3), de la bonne construction des bateaux, particulièrement en ce qui concerne l’appareil moteur, et les procès-verbaux de ces commissions, revêtus de l’approbation du préfet (art. 2), constituaient le permis de navigation. Pour ce qui concerne le nombre de passagers, les heures de départ, etc., les bateaux à vapeur étaient assujettis (art. 4) aux lois et règlements pour la navigation, qui sont en vigueur, soit sur les côtes, soit sur les fleuves et rivières.

4. Bientôt une ordonnance du 29 octobre 1823 était venue régler les conditions auxquelles seraient assujetties les chaudières à haute pression, conditions modifiées par une ordonnance du 7 mai 1828, lorsque l’ordonnance du 25 mai 1828 vint imposer aux chaudières à basse pression employées sur les bateaux, les mêmes conditions de sûreté (art. 1er) prescrites pour les chaudières à haute pression, en même temps qu’elle proscrivait d’une manière absolue, sur les bateaux, l’usage des chaudières et des bouilleurs en fonte (art. 2). Faisant application aux bateaux de l’art. 7 de l’ordonnance du 29 octobre 1823, l’art. 6 de l’ordonnance du 25 mai 1828 déclara « qu’en cas de contravention, les propriétaires des bateaux pourraient encourir l’annulation du permis de navigation ou de stationnement qui leur aurait été concédé, sans préjudice des peines, dommages et intérêts qui seraient prononcés par les tribunaux ». À cet instant, l’administration éprouva, pour ainsi dire, le besoin de jeter un coup d’œil rétrospectif sur l’ensemble de ses actes relatives à la navigation à vapeur dans les cinq années qui venaient de s’écouler : c’est du moins ce que semble prouver la circulaire du 1er août 1828, qui résume les principales dispositions adoptées jusqu’à cette date pour réglementer les machines de bateaux, et sert particulièrement de commentaire aux ordonnances des 2 avril 1823 et 25 mai 1828, complétées plus tard par l’art. 4 de l’ordonnance du 25 mars 1830, qui prescrivait de charger directement les soupapes des machines à basse pression, et, en outre, l’usage d’un manomètre à air libre. Il y a plus, une instruction détaillées en date du 27 mai 1830, transmise et expliquée par la circulaire du 1er juin 1830, entrait dans tous les détails relatifs aux timbres, aux rondelles fusibles employées alors, aux motifs qui avaient fait affranchir de l’épreuve les chaudières à faces planes qui fonctionnent habituellement à une atmosphère et demie au plus, et énumérait toutes les précautions prises par les règlements administratifs pour la surveillance et l’entretien des machines, l’alimentation des chaudières, les soupapes de sûreté, les manomètres, la conduite du feu et de la cheminée, etc.

5. Le nombre des bateaux à vapeur était encore bien petit en France à cette époque (1830), puisque la flotte qui portait toute une armée sur la côte d’Afrique pour s’emparer d’Alger et anéantir la piraterie, ne comptait que sept bateaux à vapeur ; mais l’administration pressentait le prochain développement de ce genre de navigation, et ses prévisions étaient justes ; en effet, si en 1827 l’industrie privée n’exploitait encore que 42 bateaux en France, déjà en 1833, elle en exploitait 75, et ce nombre grossissait d’année en année.

Aussi, quoique le besoin se fît déjà sentir de refondre tous les règlements relatifs à la navigation à vapeur, une circulaire du 30 septembre 1839 vint rappeler toutes les mesures de police déjà prescrites, et quelques accidents survenus déterminèrent les recommandations faites dans une nouvelle circulaire du 24 juillet 1841, bientôt complétée par celle du 15 avril 1842 ; la première, revenant sur l’importance des épreuves, sur l’utilité d’armatures convenables dans les chaudières à faces planes, sur la nécessité d’isoler complétement les chaudières quand un bateau en contient deux, etc ; la seconde, qui conseille de donner moitié en sus de l’épaisseur réglementaire

  1. Journal des mines, t. XXXVIII, p. 454. 1815.
  2. Toutes les ordonnances et circulaires citées dans cet article se trouvent dans les Annales des mines aux tomes correspondant à leurs dates.
  3. La première ordonnance relative aux machines fixes est du 29 octobre de la même année 1823. Jusque-là, l’administration n’était intervenue que par le décret du 15 octobre 1810 et l’ordonnance du 14 janvier 1815, pour placer les Pompes à feu dans la seconde classe des établissements incommodes ou insalubres.