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BANQUE DE FRANCE, 50-58.

ciles mettent le Trésor dans la nécessité de recourir à la Banque, cette dérogation au principe ci-dessus rappelé doit être autorisée par un acte de la puissance législative qui porte à la connaissance du public les conventions arrêtées entre les deux parties. Il en serait de même si c’était la Banque qui eût besoin de l’appui du Gouvernement.

La seconde conséquence de ce principe, c’est que lorsque la Banque vient momentanément en aide au Trésor, celui-ci s’attache à lui fournir des garanties surabondantes, afin que le crédit de la Banque n’éprouve pas la moindre atteinte dans ces circonstances difficiles.

50. Lorsqu’il y a lieu à passer entre le Trésor et la Banque des conventions de cette nature, la proposition du traité appartient au gouverneur et la délibération au conseil général.

Plusieurs fois, depuis l’origine de la Banque, et notamment dans ces derniers temps, par suite des événements de 1870-1871, le Trésor a dû recourir au crédit de celle-ci, et ces négociations, toujours favorablement accueillies par le public, ont eu pour résultat de fortifier sa confiance dans la gestion de cet établissement.

Cet heureux résultat sera nécessairement produit, ainsi que le fait remarquer M. Gautier dans l’écrit déjà cité, tant que la loi, ou le pouvoir chargé de l’exécuter, ne cherchera à exercer aucune action sur le mécanisme du crédit commercial, et s’abstiendra d’intervenir dans les opérations auxquelles le crédit donne lieu.

51. Le principe de l’indépendance entre le Crédit public et le crédit commercial ne saurait d’ailleurs s’opposer à ce que la Banque place en rentes sur l’État la portion disponible de son capital ; c’est de sa part une simple collocation de fonds, toujours révocables, et rien, dans la législation qui la régit, ne s’oppose à ce que la Banque n’aliène les rentes qu’elle a pu acheter ; il y en a eu des exemples.

52. Nous n’entrerons pas dans le détail des négociations accomplies entre le Trésor et la Banque depuis l’origine de celle-ci. Il suffira de rappeler, comme les plus importantes de toutes, les conventions qui ont eu lieu depuis 1848.

Lors des événements de Février, ce fut la Banque qui la première réclama la protection de l’État. La panique précipitait aux caisses de remboursement les porteurs de billets ; quelques jours encore, et l’encaisse aurait été épuisé.

53. Dans cette situation critique, le conseil général eut recours au Gouvernement, et le décret du 15 mars, en dispensant jusqu’à nouvel ordre la Banque de rembourser ses billets avec des espèces, et en donnant à ces mêmes billets cours de monnaie légale, préservera le pays des malheurs qu’aurait entraînés la suspension des escomptes de la Banque.

54. Mais dans le même temps, les sources des revenus publics s’étant subitement taries, et la dépréciation du cours des rentes ne lui permettant pas de recourir à la voie de l’emprunt, le Trésor se vit bientôt à la veille de ne pouvoir remplir ses engagements.

Il recourut alors à la Banque, et celle-ci consentit à un prêt de 150 millions, garanti moitié par un dépôt de rentes, moitié par une vente de forêts de l’État.

55. Ce traité, porté à la connaissance du pays par le décret du 5 juillet 1848, fut favorablement accueilli dans le public et l’on vit s’améliorer immédiatement le cours de la rente : bientôt le recouvrement des revenus publics reprit sa marche habituelle, et le Trésor, sage ménager des ressources que lui avait procurées cet emprunt, put renoncer plus tard à la seconde moitié des 150 millions que la Banque s’était engagée à lui fournir.

56. Au moment des pénibles événements qui ont précédé et suivi, en France, l’invasion allemande en 1870, le Gouvernement a rétabli le cours forcé comme conséquence de la prorogation des échéances et, en présence de ses immenses besoins, s’est adressé à la Banque et a contracté envers elle, à diverses reprises, des emprunts qui se sont élevés au chiffre énorme de 1,530 millions ; ces avances, garanties pour une faible partie par les bois et forêts dépendant de l’ancienne liste civile impériale, et autorisées par décrets, on été reconnues par la loi de finances du 20 juin 1871 dont l’art. 5 porte qu’à partir de 1872, et indépendamment des intérêts annuellement perçus, une somme de 200 millions au moins sera inscrite au budget de chaque année et payée à la Banque de France, jusqu’à l’entier remboursement de sa créance. À partir de 1872, l’intérêt à payer par le Trésor à la Banque sur ces avances a été réduit à 1 p. 100 l’an.

57. En dehors des circonstances exceptionnelles où l’État et la Banque ont à se prêter un mutuel appui, le Trésor n’a d’autres rapports habituels avec celle-ci que ceux qui résultent des opérations du compte courant qu’elle lui a ouvert.

Ce compte est régi par les mêmes principes que ceux qui sont ouverts aux simples particuliers ; cependant, en vertu du traité passé entre le Trésor et la Banque, en date du 10 juin 1857, les sommes dont le Trésor est débiteur par suite des avances à lui faites par la Banque en vertu de l’art. 2 de ce traité, avances qui peuvent s’élever jusqu’à 60 millions, se compensent jusqu’à due concurrence, avec celles qui forment le crédit de son compte courant.

Les intérêts de ces avances sont réglés, sur le solde dont il est réellement débiteur, au taux fixé par la Banque pour l’escompte du papier de commerce, sans qu’ils puissent excéder 3 p. 100.

58. En ce qui touche à l’ensemble de ses opérations, la Banque doit en rendre compte au Gouvernement au commencement de chaque semestre, et lui faire connaître le chiffre du dividende.

Autrefois, elle était tenue de communiquer, tous les trois mois, au ministre des finances chargé d’en faire la publication, sa situation moyenne pendant le trimestre écoulé : mais cet usage ayant provoqué des réclamations dans le public, le conseil général, dans sa séance du 1er juin 1865, a décidé que la situation générale de la Banque et de ses succursales devait être affichée, le jeudi de chaque semaine, à la Bourse et publiée au Journal officiel.

bibliographie[1].

De la caisse d’escompte, par le comte de Mirabeau, avec le post-scriptum, etc. 1 vol. in-8o. Paris, 1785.

  1. Nous avons dû omettre tous les ouvrages généraux sur les banques considérées au point de vue économique ; on en trouvera la liste au catalogue de la librairie Guillaumin et Cie.