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ARMÉE, 4-9.

près pareilles à celles de ces derniers. Leurs gros bataillons, serrés et compactes, pouvaient, en présentant les piques, non-seulement résister au choc de la cavalerie, mais encore la mettre en déroute. La liberté fut, pour la Suisse, le prix de cette nouvelle tactique, et telle fut alors la réputation des fantassins suisses, que la plupart des souverains voulurent avoir à leur solde un corps de cette infanterie.

4. Le recrutement de l’armée fut, en France, arbitraire, irrégulier, vexatoire même jusqu’à l’ordonnance d’Orléans (1439) rendue par le roi Charles VII, qui établit la première armée permanente. Ce fut pour la monarchie française une véritable conquête. Victoire de l’ordre sur l’anarchie, de l’intelligence sur la force brutale, elle assurait à la royauté la possession de l’avenir.

Ce n’est pas le chiffre même de cette armée à son origine, c’est-à-dire la création de quinze compagnies d’ordonnance, neuf mille hommes environ, qui pouvait être considéré comme l’indice d’une force matérielle imposante ; mais il y avait là tout une révolution : de féodale qu’elle était, l’armée devenait monarchique. Si les vieux souvenirs se conservaient encore sous le nom de convocation des bans et arrière-bans, le premier coup était porté à l’indépendance des nobles, et bientôt l’œuvre nouvelle allait se compléter par l’institution des francs-archers, choisis dans chaque paroisse, désignés à Paris, sous l’influence du roi, par le prévôt, et prêts à répondre au premier ordre.

L’invention de la poudre à canon, l’emploi général des armes à feu, le développement rapide de l’artillerie, la nomination des officiers par le roi, furent autant d’atteintes à la vieille constitution féodale. L’argent mis à la disposition du souverain, sous le titre de taille perpétuelle pour l’entretien des gens de guerre, consolida cette réforme radicale de notre organisation militaire.

Avec la permanence de l’armée, des levées régulières furent établies, et la durée du service fut fixée. Or, comme les besoins de cette armée ne réclamaient pas sous les drapeaux la présence de tous ceux que la loi atteignait annuellement, le sort décidait de ceux qui devaient s’y rendre. Ce fut en partie par ce mode de recrutement, connu sous le nom de milice, que Louis XIV créa et entretint ses nombreuses armées.

5. On comprend aisément les changements que dut apporter, dans l’organisation et la tactique des armées, l’introduction dans les troupes des armes à feu. Il paraît vraisemblable que les Anglais furent les premiers qui firent usage du canon à la bataille de Crécy, en 1346.

Les premières bouches à feu, nommées bombardes, furent construites avec de la tôle cerclée de fer ; mais leur défectuosité ayant bientôt été reconnue, on en fabriqua successivement en fer battu et en fer coulé. Celles-ci présentant encore des inconvénients, le fer fut remplacé par un alliage de cuivre et d’étain, connu dans les arts sous le nom de bronze. Les premiers boulets étaient de pierre. L’usage habituel des projectiles en fer ne remonte pas au delà du quinzième siècle. Les premiers canons portaient des noms d’animaux dont la figure était représentée sur les anses : il y eut des coulevrines, des basilics, des serpentines, des scorpions. En outre de cette grosse artillerie, l’on vit, dès le commencement du quinzième siècle, un assez grand nombre de bouches à feu d’un petit calibre et qu’un homme pouvait aisément porter et manœuvrer. Ces canons à main furent successivement remplacés par les arquebuses et les mousquets.

Des perfectionnements nombreux furent apportés à l’artillerie et aux autres armes depuis Charles VII jusqu’à l’époque actuelle. Vauban fut le créateur d’un nouvel élément militaire par l’invention des tranchées, des feux croisés, du système des parallèles, et surtout par les procédés merveilleux qu’il employa pour fortifier les places de guerre, et telle est la marche de l’esprit humain, surtout en matière de destruction, que ce qui paraissait, à une époque peu éloignée de nous, être le nec plus ultra de l’art militaire, est reconnu complétement insuffisant par le développement extraordinaire de la portée de l’artillerie nouvelle. Ainsi, à peine un pas est-il fait, qu’un second devient nécessaire. Aujourd’hui c’est l’arme qu’on améliore, demain c’est la tactique, une autre fois c’est l’administration, le mode de recrutement. Mais ce n’est pas de l’art militaire que nous avons à traiter ici, nous devons nous borner à exposer la législation qui se rapporte à l’armée.

Sect. 2. — Organisation générale de l’armée.

6. Le principe fondamental de la législation militaire française se résume en ces quelques mots : Tout Français valide doit le service militaire personnel depuis l’âge de 20 ans jusqu’à l’âge de 40 ans, soit dans l’armée active, soit dans la réserve, soit dans l’armée territoriale. (L. 27 juillet 1872, art. 1, 3 et 36). Nous traitons de la durée du service, de l’activité, de la réserve et de l’armée territoriale au mot Recrutement.

7. Aux termes de la loi du 24 juillet 1873, le territoire de la France est divisé, pour l’organisation de l’armée active, de la réserve de l’armée active, de l’armée territoriale et de sa réserve, en dix-huit régions et subdivisions de régions. Ces régions et leurs subdivisions, établies d’après les ressources du recrutement et les exigences de la mobilisation, sont déterminées par décret rendu dans la forme des règlements d’administration publique.

8. Chaque région est occupée par un corps d’armée organisé d’une manière permanente en divisions et en brigades, de manière à être prêt à effectuer, en cas de mobilisation, le mouvement prescrit.

On trouve dans la région des magasins généraux d’approvisionnement dans lesquels se trouvent les armes et munitions, les effets d’habillement, d’armement, de harnachement, d’équipement et de campement nécessaires aux diverses armes qui entrent dans la composition du corps d’armée.

Chaque subdivision possède également des magasins alimentés par les magasins généraux.

9. En cas de mobilisation, les effectifs des divers corps de troupes et les divers services qui entrent dans la composition de chaque corps d’armée, sont complétés avec les militaires de la disponibilité et de la réserve domiciliés dans la région, et qui ont été préalablement immatriculés