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APPEL COMME D’ABUS, 33-47.

29 décembre 1842 et 25 juin 1863, que la poursuite de divers délits, qu’on peut qualifier d’ordre public, était subordonnée au recours préalable devant le Conseil d’État. Elle a confirmé les principes qu’elle avait établis dans ses précédents arrêts des 25 août 1827, 12 mars et 17 octobre 1828.

33. Voici le résumé des diverses formules de décisions employées jusqu’à présent sur les appels comme d’abus :

1o Le Conseil d’État déclare qu’il y a simplement abus ;

2o Il déclare l’abus avec suppression de l’écrit abusif ;

3o Il déclare l’abus avec injonction au prêtre de s’abstenir du refus des sacrements dans des cas semblables ;

4o Il déclare l’abus et autorise les poursuites à fins criminelles ;

5o Il déclare l’abus et autorise les poursuites à fins civiles seulement ;

6o Il déclare l’abus et admettant l’excuse, il n’autorise pas la poursuite ;

7o Il autorise seulement la poursuite devant les tribunaux compétents (Arr. du C. 14 juill. 1862, 1er  juin 1868) ;

8o Il déclare qu’il n’y a pas abus et que le recours est rejeté ;

9o Il déclare à la fois qu’il n’y a lieu ni à renvoi devant les tribunaux, ni à prononciation d’abus ;

10o Il déclare qu’en l’état de l’affaire le recours n’est pas recevable, attendu qu’on ne s’est pas pourvu devant le métropolitain ou l’autorité hiérarchique supérieure.

34. Nonobstant quelques décisions contraires, nous ne croyons pas que le Conseil d’État puisse, pour un seul et même fait, prononcer en même temps l’abus et le renvoi devant les tribunaux ; il doit, suivant l’art. 8 de la loi de l’an X, terminer administrativement l’affaire ou la renvoyer devant les tribunaux ; cet article ne lui confère pas le pouvoir de prendre les deux mesures simultanément.

La déclaration d’abus n’est pas, il est vrai, une peine matérielle ; mais elle est une peine morale ; c’est, en réalité, un blâme public infligé par le Gouvernement ; elle peut donc être considérée comme une condamnation administrative qui ne saurait être cumulée avec une condamnation judiciaire.

CHAP. IV. — JURISPRUDENCE. FAITS CONSIDÉRÉS COMME ABUS.

35. La jurisprudence sur les appels comme d’abus a eu pour but de suppléer au défaut de précision de la législation et de fixer les règles sur la matière. (Voy. le no 16.) Il est fort utile d’en connaître les principaux monuments. Nous les diviserons en trois parties concernant : 1o les archevêques et évêques ; 2o les curés et autres titulaires inamovibles ; 3o les desservants, les vicaires et les autres ecclésiastiques.

1o Des appels comme d’abus en ce qui concerne les archevêques et évêques.

Il y a abus[1] :

36. Lorsqu’un évêque publie et exécute dans son diocèse une bulle, un bref, une lettre encyclique ou un rescrit du pape qui n’ont été ni vérifiés ni enregistrés au Conseil d’État. (D. 14 juin 1810 ; O. 23 déc. 1820 ; D. 8 fév. 1865.)

37. Lorsqu’un archevêque prend dans un induit le titre d’un ordre supprimé en France. (D. 20 mars 1812.)

38. Lorsqu’un archevêque publie, sous la forme d’une lettre pastorale, des propositions contraires au droit public et aux lois de l’État, aux prérogatives et à l’indépendance de la Couronne. (O. 10 janv. 1825.)

39. Lorsqu’un évêque fait imprimer un mémoire formant opposition au mode d’administration temporelle des séminaires et l’adresse à ses collègues pour les exciter à la désobéissance aux lois et aux règlements en vigueur. (O. 4 mars 1835.)

40. Lorsqu’un archevêque, dans un écrit publié sous le titre de déclaration, proteste contre une ordonnance et un projet de loi relatifs à la vente d’un ancien palais archiépiscopal et de son emplacement appartenant à l’État et revendique la propriété de ces immeubles au nom de l’Église. Le chapitre métropolitain, en donnant son adhésion dans une délibération sur une matière qui n’est pas de sa compétence, et en la transcrivant sur ses registres, commet un excès de pouvoir et un abus. (O. 24 mai 1837.)

41. Lorsqu’un évêque donne l’ordre de refuser la sépulture catholique à un homme mort après avoir fait profession de la religion, demandé et reçu le sacrement de pénitence, parce que le défunt n’aurait pas voulu faire devant témoins une rétractation écrite. (O. 30 déc. 1838.)

42. Lorsqu’un évêque, dans une lettre pastorale, se livre à des allégations injurieuses pour l’université de France et les membres du corps enseignant, et menace de refus éventuel des sacrements les enfants élevés dans les établissements universitaires. (O. 8 nov. 1843.)

43. Lorsqu’un archevêque conteste l’autorité due à l’édit de 1682 sur les libertés de l’Église gallicane ; à l’art. 24 de la loi du 18 germinal an X et au décret du 25 février 1810 ; déclare exécutoire une bulle qui n’a jamais été reçue en France, et dénie au Gouvernement le droit de statuer en Conseil d’État par déclaration d’abus. (O. 9 mars 1845.)

44. Lorsqu’un évêque impose à plusieurs curés, après leur installation, une renonciation écrite et signée à la faculté de se pourvoir devant l’autorité civile dans certains cas, et modifie, sans l’autorisation du Gouvernement, les statuts, approuvés par une ordonnance royale, du chapitre de sa cathédrale. (D. 6 avril 1857.)

45. Lorsqu’un évêque, dans un mandement, censure la politique et critique les actes du Gouvernement. (D. 30 mars 1861.)

46. Lorsque plusieurs archevêques et évêques publient collectivement, en forme de brochure et par la voie des journaux, un écrit délibéré entre eux et contenant des instruction sur des matières politiques. (D. 16 août 1863.)

47. Lorsqu’un vicaire général capitulaire d’un

  1. Plusieurs auteurs citent un décret du 20 février 1809 comme ayant statué sur un appel comme d’abus contre l’évêque de Bayonne. Voici le texte de ce décret : « Vu l’imprimé ayant pour titre Mandement de l’évêque de Bayonne sur l’abstinence du carême ; Vu les art. 15 et suivants du décret du 11 juin 1806 sur la haute police administrative ; notre Conseil d’État entendu ;

    « La commission par nous nommée le 17 de ce mois est chargée d’examiner la conduite de l’évêque de Bayonne et de ses vicaires généraux, et de procéder à leur égard conformément aux dispositions de notre décret du 11 juin 1806 sur la haute police administrative. »