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ALIÉNÉS, 134-139.

clame son domicile de secours dans une commune autre que son lieu de naissance, qu’il justifie d’un an de résidence dans cette commune depuis qu’il est devenu majeur. Il suffit qu’il justifie d’une résidence non interrompue d’un an, dont une partie seulement depuis l’époque de sa majorité. Ainsi jugé par le Conseil d’État. (Arr. précité du 9 mars 1870.)

Le séjour utile ne commence, aux termes de l’art. 5, que du jour de l’inscription au greffe de la municipalité.

Il n’est plus tenu de registres d’inscription ; mais de cette disposition de la loi, devenue inapplicable en sa teneur littérale, il faut du moins retenir ce principe que le séjour doit être volontaire, doit être accompagné de l’intention de fixer dans la commune, pour une certaine durée, d’une manière définitive et permanente, le centre de ses affaires et sa résidence continue. De ce principe on a induit que la femme d’un militaire qui suivait habituellement son mari dans les villes où le régiment de ce dernier tenait garnison, n’avait pu, par la résidence d’une année qu’elle avait faite dans l’une de ces villes, y acquérir le domicile de secours. (Dép. de la Seine c. le dép. de Loir-et-Cher et la ville de Vendôme ; arr. précité du 6 avril 1854.)

134. À plus forte raison, la résidence que fait dans une commune un vagabond ou un homme sans aveu, ne lui donne-t-elle pas en ce lieu le domicile de secours. L’art. 6 du décret porte d’ailleurs formellement que « la municipalité pourra refuser le domicile de secours si le domicilié n’est pas pourvu d’un passe-port et de certificats qui constateront qu’il n’est pas un homme sans aveu. » (Arr. du C. 15 juillet 1852, dép. de la Meurthe.)

135. Lorsque des aliénés, qui ont leur domicile de secours dans un département, sont recueillis sur le territoire d’un autre département, qu’ils sont reçus et traités dans l’asile appartenant à ce dernier, le remboursement de la dépense est dû par le département du domicile de secours. Mais, à moins que des motifs de sûreté publique, l’état mental de l’aliéné et l’intérêt de sa guérison n’interdisent tout déplacement, le département du domicile de secours peut, quand les sommes dont le remboursement lui est demandé sont supérieures à celles que lui coûterait l’entretien de l’aliéné dans son propre asile, demander la translation de l’aliéné dans ce dernier établissement, ou du moins se refuser à payer au département qui a recueilli l’aliéné tout ce qui excède les prix de l’asile du domicile de secours.

Si la famille de l’aliéné résidait dans le département autre que celui du domicile de secours où l’aliéné est retenu, et si un déplacement devait avoir pour effet de rendre les visites des parents plus rares et plus difficiles, cette circonstance ne serait pas considérée comme suffisante pour autoriser un refus de translation et pour motiver une aggravation des charges imposées par la loi au département du domicile de secours. (Arr. du C. 13 juill. 1853, dép. de Seine-et-Oise ; 20 déc. 1855, commune d’Issoudun.)

136. Indépendamment des aliénés qui ont dans les limites de sa circonscription leur domicile de secours, le département doit encore entretenir ceux dont le domicile de secours est inconnu, et qui ont été recueillis sur son territoire. Le ministre de l’intérieur a pensé qu’il y avait lieu d’appliquer ce principe à un étranger traité dans l’asile du département du Doubs, et dont ce département demandait que l’État prit la charge. (Décis. Int. nov. 1837.) On peut peut-être citer dans le même sens un arrêt du Conseil, du 22 juillet 1848. (Ville de Bordeaux.)

137. Des contestations peuvent s’élever entre deux départements sur la question de savoir auquel appartient un aliéné. Ces débats étaient autrefois portés devant le conseil de préfecture, sauf recours au Conseil d’État. (Arr. du C. 6 avril 1854, dép. de la Seine c. le dép. de Loir-et-Cher et la ville de Vendôme.) On fondait la compétence du conseil de préfecture sur le dernier paragraphe de l’art. 28 de la loi de 1838 ; mais il a été reconnu depuis que ce paragraphe ne s’appliquait qu’aux contestations relatives à la part des hospices dans la dépense des aliénés. C’est maintenant au ministre de l’intérieur qu’appartient le droit de statuer. Un recours au Conseil d’État contre la décision ministérielle portant que la dépense d’un aliéné doit être à la charge de tel département est-il recevable ? On décidait autrefois que la décision du ministre n’avait pas de force obligatoire à l’égard d’un département, et que l’opinion qu’il exprime ne pouvait être considérée que comme un pur acte d’instruction administrative. Il fallait attendre, pour former le pourvoi, qu’à la suite de la décision ministérielle fût intervenu un décret portant inscription d’office de la dépense au budget départemental. (Arr. du C. 22 juin 1849, dép. de la Meurthe c. le dép. de la Moselle ; 14 juill. 1849, 7 juin 1851, dép. de Seine-et-Oise ; 15 juill. 1852, dép. de la Meurthe ; 15 juill. 1853, dép. de Seine-et-Oise.) Mais aujourd’hui qu’il ne peut plus être question d’inscription d’office, puisque la dépense des aliénés n’est pas une dépense obligatoire dans le sens de l’art. 61 de la loi du 10 août 1871, nous pensons que la décision du ministre de l’intérieur pourrait être attaquée devant le Conseil d’État.

138. La question qui se présentera presque toujours dans les débats soulevés entre les départements, la question de savoir quel est le domicile de secours de l’aliéné, est une question essentiellement administrative, et ne peut donner lieu à aucun renvoi devant l’autorité judiciaire. (Arr. du C. 15 juill. 1852, dép. de la Meurthe et les arrêts précités.)

Sect. 2. — Concours des communes à l’assistance.

139. La commune où l’aliéné a son domicile de secours, doit concourir avec le département à l’assistance qui lui est donnée. Cette dépense est, pour elle, obligatoire. À cet égard, la loi de 1838 est toujours en vigueur.

Dans le cas où le domicile de secours est inconnu, le département n’a pas le droit de s’adresser, à défaut de la commune du domicile de secours, à la commune sur le territoire de laquelle l’aliéné a été trouvé et recueilli. Les termes de la loi sont exprès et limitatifs. La commune du domicile, seule, est tenue de concourir. (Arr. du C. 22 juill. 1848, ville de Bordeaux ; 9 mars 1870, commune de Sancy.)