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ALIÉNÉS, 100-108.

sont d’une nature si délicate, elles peuvent compromettre tant d’intérêts sacrés, que l’on a cru devoir, en règle générale, réserver la décision à un agent administratif d’un ordre élevé, au préfet, placé au-dessus des influences locales et privées (art. 18).

100. Le préfet peut donner des ordres de placement dans deux circonstances différentes : en premier lieu, à l’égard d’un aliéné qui n’est pas encore renfermé (art. 18) ; en second lieu, à l’égard d’un aliéné qui a été placé volontairement, mais dont l’état mental est tel qu’il compromettrait l’ordre public et la sûreté des personnes, et que sa sortie non-seulement nuirait à sa santé, à son bien-être et aux intérêts de sa famille, mais encore constituerait pour la société exposée à ses excès, une menace et un danger (art. 19).

Dans ce second cas, le préfet convertit, par son ordre, le placement volontaire en placement d’office ; c’est ce que diverses circulaires ministérielles, empruntant par analogie le langage des lois sur la contrainte par corps, appellent recommandation.

La mesure par laquelle le préfet ordonne le placement d’office d’un aliéné dans un asile, est un acte purement administratif qui n’est susceptible d’aucun recours par la voie contentieuse. (Arr. du C. 20 déc. 1855.)

101. Il a été reconnu que le préfet pouvait, à la sollicitation des familles, ou d’office, s’il s’agit d’une personne riche, ordonner le placement de l’aliéné dangereux dans un établissement privé, même autre que celui avec lequel l’administration aurait traité pour assurer un refuge aux aliénés dangereux ou indigents.

102. « Par exception, en cas de danger imminent, attesté par le certificat d’un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordonnent, à l’égard des personnes atteintes d’aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d’en référer dans les 24 heures au préfet, qui statuera sans délai. »

Nous avons déjà indiqué que les maires peuvent être appelés à user, à l’égard des personnes placées volontairement, de ces pouvoirs fondés sur l’urgence. (Voy. no 69.)

§ 2. — Dans quelles formes est ordonné le placement prescrit par l’autorité publique.

103. Les ordres du préfet, soit pour prescrire le placement d’un aliéné non encore enfermé, soit pour convertir un placement volontaire en un placement d’office, doivent être motivés et énoncer les circonstances qui les ont rendus nécessaires. (L., art. 18 et 21.)

Le préfet doit rendre compte de ces ordres au ministre de l’intérieur. (L., art. 22.)

§ 3. — Comment cesse le placement ordonné par l’autorité publique.

104. Ni la déclaration de guérison faite par les médecins, ni la réquisition des membres ou représentants de la famille ne peut ouvrir les portes de l’asile où un aliéné a été placé d’office. En dehors de la voie judiciaire, il n’y a qu’un arrêté du préfet qui puisse mettre fin au placement ordonné par l’autorité publique.

105. Mais la voie judiciaire reste ouverte. (L., art. 29.) Malgré ce qu’il y avait de grave et d’inusité à paraître appeler l’autorité judiciaire à exercer une sorte de contrôle sur un acte de l’administration, on pensa que l’intérêt de la liberté individuelle devait ici dominer, et que cet intérêt appelait de toute nécessité l’intervention de l’autorité judiciaire, qui en est la gardienne. « D’ailleurs, dit M. Vivien dans son rapport du 18 mars 1837, nous n’entendons pas qu’en aucun cas la réclamation autorisée par notre projet puisse amener l’autorité judiciaire à décider, soit que la famille a abusé de son droit, soit que l’ordre du préfet est illégal : cette décision ne pourrait intervenir que dans le cas d’une plainte criminelle, formée dans les termes du droit commun et fondée sur l’imputation d’une détention arbitraire ; dans les cas que nous voulons régler — le tribunal sera seulement appelé à examiner si à l’instant où il rendra sa décision et sans retour sur le passé, il y a lieu de déclarer que les causes du placement ont cessé d’exister. Cette décision n’impliquera nullement la connaissance de l’acte du préfet, et le droit de la prononcer peut être attribué à l’autorité judiciaire, sans qu’il en résulte aucun empiétement sur les droits de l’administration. »

106. Si depuis une décision judiciaire, qui ordonne la mise en liberté, des faits nouveaux surviennent, le préfet peut, sans aucun doute, ordonner un placement qui avait cessé d’être utile, mais qui redevient nécessaire.

L’autorité judiciaire doit être saisie par les mêmes personnes et dans les mêmes formes que dans le cas de placement volontaire, ainsi que l’indique l’art. 29, dont les dispositions sont communes aux deux catégories d’aliénés.

§ 4. — Comment a lieu la sortie.

107. Les règles que nous avons exposées sur la responsabilité des directeurs, sur la nécessité d’un avis au préfet, sur la conduite à tenir quant aux mineurs et aux interdits, doivent ici recevoir leur application comme en cas de placement volontaire.

§ 5. — Précautions prises par la loi pour provoquer à de fréquentes reprises, l’examen du préfet ou des personnes qui peuvent saisir de l’autorité judiciaire.

108. Le préfet pouvant seul agir pour faire cesser, sans décision judiciaire, la séquestration dont il a donné l’ordre, la loi a pris des précautions multipliées pour le tenir sans cesse au courant des modifications qui surviennent dans l’état de l’aliéné ; et elle a exigé de lui, à des époques fixes, un examen nouveau, une nouvelle déclaration de la nécessité du placement.

1o Non-seulement des rapports semestriels sont faits par les médecins et transmis au préfet par les directeurs, au sujet de chacun des aliénés placés d’office, comme au sujet de chacun des aliénés placés volontairement ; mais à l’égard des aliénés placés d’office, le préfet doit, au vu de ces rapports, statuer sur chacun d’eux individuellement, ordonner ou sa maintenue ou sa sortie. Il doit rendre compte au ministre de l’intérieur de ces arrêtés. (L., art. 20 et 22.)

2o Si, dans l’intervalle qui s’écoule entre les rapports trimestriels, les médecins déclarent que la sortie peut être ordonnée, les chefs des établissements doivent, sous peine d’être déclarés