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ALIÉNÉ, 84-92.

par une décision non motivée, et ordonne, s’il y a lieu, après les vérifications nécessaires, la sortie immédiate.

« La publicité, dit M. Barthélémy dans son rapport du 29 juin 1837, pourrait être funeste à l’individu et à sa famille ; elle laisserait après elle une trace ineffaçable ; elle pourrait aussi donner naissance à des débats scandaleux. Par les mêmes causes, la décision du tribunal ne sera pas motivée. »

84. Le réclamant peut interjeter appel de la décision qui intervient.

85. Une demande rejetée peut être reproduite devant le tribunal : les circonstances peuvent s’être modifiées, et les jugements antérieurs ne peuvent faire obstacle à un nouvel examen.

86. Pour faciliter les réclamations, la loi a ordonné que la requête, le jugement et les autres actes auxquels la réclamation pourrait donner lieu, seraient visés pour timbre et enregistrés en débet : il n’y aura donc aucune avance de droit de timbre et d’enregistrement ; et la rentrée de ces droits ne serait plus tard poursuivie que si le réclamant succombait dans sa demande. (L. 22 frim. an VII, titre XI, art. 70.)

87. Aucunes requêtes, aucunes réclamations adressées à l’autorité administrative ou à l’autorité judiciaire, de quelque nature qu’elles soient, à quelque degré qu’elles portent l’empreinte du trouble des idées et de la folie, ne peuvent être supprimées ou retenues par les chefs d’établissement, sous les peines correctionnelles établies par l’art. 41 de la loi. (L., art. 29.)

§ 4. — Comment a lieu la sortie ?

88. Disons d’abord qu’en présence de l’ordre du préfet, ou de la déclaration de guérison faite par les médecins, ou d’une réquisition régulière émanée des personnes à qui la loi confie le droit d’obtenir la mise en liberté de l’aliéné, ou enfin, en présence d’une décision judiciaire, le chef d’un asile ne peut prolonger la détention sans se rendre coupable de détention arbitraire et sans encourir les peines d’un emprisonnement de 6 mois à 2 ans, et d’une amende de 16 à 200 fr., peines portées par l’art. 120 du Code pénal. (Art. 30 de la loi du 30 juin 1838.)

89. Dans les 24 heures de la sortie, les chefs de l’asile en informent à Paris le préfet de police, dans les chefs-lieux de département et d’arrondissement les préfets et les sous-préfets, et dans les autres communes les maires. Les maires et les sous-préfets ont à leur tour le devoir de transmettre immédiatement l’information au préfet. L’avis donné par le directeur doit contenir l’indication du nom et de la résidence des personnes qui ont retiré le malade, de son état mental au moment de sa sortie, et autant que possible du lieu où il a été conduit.

90. « En aucun cas, dit l’art. 17, l’interdit ne pourra être remis qu’à son tuteur, et le mineur qu’à ceux sous l’autorité desquels il est placé par la loi. »

Quand la sortie aura été requise par le tuteur de l’interdit ou du mineur, ou même par un délégué du conseil de famille qui, sans doute, aura reçu, avec le pouvoir de requérir la sortie, celui de recueillir et garder l’interdit et le mineur, ou bien par le père ou la mère du mineur, l’exécution de cet article n’offrira aucune difficulté.

Mais qu’on suppose la sortie de l’interdit ou du mineur exigée par un ordre du préfet ou par la déclaration des médecins ; qu’on suppose qu’il s’agit d’un mineur qui n’est soumis ni à l’autorité d’un tuteur, ni à celle de son père, mais à celle d’une mère naturelle, et dont par suite, selon nous, la sortie peut être requise par des personnes autres que la mère ; qu’on suppose encore que c’est le tribunal qui a ordonné la sortie du mineur sans indiquer spécialement à qui il serait remis : dans toutes ces hypothèses, si le tuteur, le père ou la mère, à qui la remise devrait être faite, ne se présente pas, comment la sortie ordonnée aura-t-elle lieu ?

Il faut, selon nous, étendre à tous les cas où la sortie devra avoir lieu sans qu’elle ait été requise par le tuteur ou par les personnes sous l’autorité desquelles le mineur est placé, ce que l’art. 13, § 2, prescrit pour le cas où il y a déclaration de guérison, faite par les médecins : « S’il s’agit d’un mineur ou d’un interdit, il sera donné immédiatement avis de la déclaration des médecins aux personnes auxquelles il devra être remis et au procureur de la République. »

Le tuteur, le père et la mère sont ainsi mis en demeure d’accomplir leurs obligations ; le procureur de la République peut, par l’intermédiaire du juge de paix, provoquer, en cas de tutelle, l’action du conseil de famille. Peut-être même pourrait-il puiser dans l’art. 46 de la loi du 20 avril 1810, corroboré par le § 2 de l’art. 13 de la loi du 30 juin 1838, le droit d’appeler le tribunal à pourvoir, à défaut du père ou de la mère qui déserteraient leur devoir, au sort de l’enfant mineur.

L’administration, de son côté, s’efforcerait de procurer à l’interdit ou au mineur un refuge dans un hospice.

§ 5. — Précautions prises par la loi pour tenir l’autorité publique informée de tous les faits relatifs aux aliénés dans les asiles par la volonté des familles.

91. Comme nous l’avons vu, le préfet, par son ordre, le procureur de la République, par ses réquisitions auprès du tribunal, peuvent faire cesser toute séquestration inutile et injuste. Il restait, pour donner une pleine garantie à la liberté individuelle, à faire que l’attention de ces magistrats fût sans cesse appelée sur le sort et la situation des aliénés détenus, que leur sollicitude fût toujours tenue en éveil, leur examen fréquemment provoqué.

Déjà les visites des établissements d’aliénés imposées à titre de devoir au préfet, aux maires, au procureur de la République et au président du tribunal (circ. Int., 15 janv. 1866 ; circ. Justice, 1844, 1860, 1866) tendent à ce but. Mais pour l’atteindre plus sûrement, la loi, à cette garantie, en a ajouté beaucoup d’autres, que nous allons énumérer.

92. 1o Dans les 24 heures du placement de l’aliéné, le chef de l’asile est tenu d’envoyer, à Paris, au préfet de police, dans les chefs-lieux d’arrondissement et de département, au préfet et au sous-préfet, et dans les autres communes, aux