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ALIÉNÉ, 75-83.

la personne qui a signé la demande de placement peut, en tout cas, requérir la sortie. Il importait de permettre à cette personne de se décharger de la responsabilité de la prolongation d’un état de choses qu’elle peut juger désormais inutile.

Mais si un parent déclare s’opposer à la sortie requise par l’auteur du placement, ce parent, qui aurait pu lui-même faire effectuer le placement, peut à plus forte raison en réclamer et en obtenir le maintien.

La personne qui a opéré le placement a ainsi, on le voit, un pouvoir beaucoup moindre pour opérer la sortie, que celui que possèdent l’époux, le curateur et le délégué du conseil de famille.

75. D’autres membres de la famille peuvent requérir la sortie, mais dans certains cas seulement. Les ascendants peuvent agir dans le cas où il n’y a pas d’époux ni d’épouse.

« S’il n’y a pas d’ascendants, dit la loi, les descendants peuvent requérir la sortie. » Les descendants auraient-ils cette faculté, dans le cas où il n’existerait pas d’ascendants, mais où il existerait un époux ou une épouse de l’aliéné ? Nous ne le pensons pas. Si la volonté de l’ascendant doit céder à celle de l’époux, à plus forte raison les descendants doivent-ils à ce dernier le même respect. Nous verrons d’ailleurs qu’ils ont, en tous cas, comme tout parent et tout ami, le droit de prendre la voie judiciaire.

76. Si les ascendants ou les descendants sont d’accord, ou si du moins leur dissentiment ne se manifeste pas au grand jour, si l’opposition de l’un d’eux ne vient pas combattre d’une manière formelle la demande de sortie formée par l’autre, dans ce cas ni l’opposition du curateur, ni celle de la personne qui a signé la demande d’admission, ni celle du délégué du conseil de famille n’empêche l’effet de la réquisition.

Au contraire, si une opposition, notifiée au chef de l’établissement par l’un des ascendants ou descendants, témoigne qu’il y a entre eux dissentiment, le conseil de famille prononce, et comme nous l’avons vu, lorsque ses décisions tendent à la sortie, elles s’exécutent nonobstant l’opposition de tout autre membre de la famille.

77. Sous l’expression d’ascendants et de descendants il faut comprendre, selon nous, les ascendantes, et les filles et petites-filles. Aucune partie de la loi ou des exposés des motifs n’indique qu’on ait voulu interdire aux personnes du sexe féminin l’exercice de cette sorte de magistrature ou d’assistance domestique, fondée sur le devoir et l’affection.

78. Nous croyons qu’on ne peut admettre les descendants à agir qu’autant qu’ils sont majeurs. Exclus avant cette époque des conseils de famille (C. civ., art. 442), ils ne peuvent être considérés comme aptes à exercer un pouvoir de famille.

Nous donnerions une solution différente à l’égard de l’époux ou de l’épouse : le mariage a émancipé de plein droit le mineur, et lui a conféré la capacité de remplir tous les devoirs, d’exercer tous les droits qui naissent du mariage. (C. civ., art. 476.)

79. Ce que nous venons de dire des pouvoirs des divers membres ou représentants de la famille s’applique aux aliénés majeurs et non interdits.

Quant aux aliénés interdits, le tuteur seul peut requérir leur sortie. Il en est de même à l’égard des mineurs en tutelle. (L., art. 14.)

La loi a-t-elle néanmoins voulu exclure « une personne autorisée par le conseil de famille ? » Nous ne le pensons pas ; car le tuteur est pour ses principaux actes, et notamment pour ceux qui touchent à la garde et à la disposition de la personne de l’interdit ou du mineur, soumis à l’autorité du conseil de famille. (C. civ., art. 510 et 468.)

Le père exerce, durant le mariage, l’autorité sur ses enfants mineurs ; ses pouvoirs à cet égard sont beaucoup plus étendus que ceux d’un tuteur. (Art. 375 et suiv., et art. 468.) Il faut donc admettre que le père seul pourra requérir la sortie de son fils placé dans une maison d’aliénés ; et l’autorité du père durant le mariage n’étant en aucune manière subordonnée au contrôle du conseil de famille, nous n’admettrons ici l’intervention d’aucun délégué du conseil de famille.

Quant à l’enfant mineur qui n’est ni placé sous l’autorité de son père, ni pourvu d’un tuteur, nous pensons qu’il rentre sous l’empire des règles générales applicables aux majeurs non interdits.

80. Voie judiciaire. Tous ceux qui s’intéressent à l’aliéné n’ont pas été investis par la loi du droit de requérir la sortie ; et la réquisition faite par quelques-unes des personnes que la loi a désignées, peut (même en dehors du cas de la conversion du placement volontaire en placement d’office, cas dont nous nous occuperons plus loin) rester sans effet par suite de l’opposition d’un parent ou du conseil de famille.

La loi a institué contre la possibilité des abus un dernier recours sans cesse ouvert à tous et à l’aliéné lui-même, destiné à écarter d’une manière souveraine tous les obstacles qui s’opposeraient à la mise en liberté d’un homme injustement détenu comme aliéné ; c’est la voie judiciaire.

81. Aux termes de l’art. 29 de la loi du 30 juin 1838, toute personne placée ou retenue dans un établissement d’aliénés, son tuteur, si elle est mineure, son curateur, les personnes qui ont demandé le placement, tout parent ou ami, et le procureur de la République d’office, peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le tribunal de l’arrondissement où est situé l’établissement.

82. Dans le cas d’interdiction, la demande ne peut être formée devant le tribunal que par le tuteur de l’interdit, qui n’a lui-même, puisqu’il est investi du droit de requérir la sortie, d’intérêt à agir que dans le cas où le placement volontaire aurait été converti en placement d’office. Mais, en cas de minorité, nous ne pouvons, dans le silence de la loi, reconnaître ni au tuteur, ni au père, ce droit d’exclure toute autre action que la leur. Car nous ne trouvons pas ici cette présomption si forte, et pour ainsi dire, cette certitude légale d’aliénation mentale, qui dérive du jugement d’interdiction, et qui explique le peu de faveur que la loi accorde à des réclamations qui se produisent pour soutenir qu’un interdit est sain d’esprit ou du moins ne doit pas être renfermé dans une maison de santé.

83. Le tribunal, sur la requête qui lui est présentée, statue en chambre du conseil et sans délai,