Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
ALIÉNÉ, 63-74.

On comprend combien il est important qu’aucune fraude ou même qu’aucune erreur ne soit commise au sujet du véritable nom de l’aliéné : les faux noms sous lesquels on serait parvenu à le faire admettre empêcheraient qu’aucune information de la détention qu’il subit ne parvint à ses proches, à ses amis, à tous ceux qui s’intéressent à lui, qui, peut-être, s’ils étaient prévenus, détromperaient l’administration et la justice au sujet d’une prétendue folie alléguée par la cupidité ou la vengeance.

63. L’accomplissement de toutes les formalités relatives au placement est mis sous la garantie de la responsabilité du directeur ou préposé responsable de l’asile public, du directeur de l’asile privé.

S’il reçoit un aliéné sans les avoir toutes exigées, il s’expose à des peines correctionnelles (art. 41 de la loi), et dans les cas ou il dirigerait un asile privé, au retrait de l’autorisation. (O. régl. 18 déc. 1839, art. 31, 9o.)

64. Le directeur est en outre chargé, sous la même sanction, de s’assurer de l’individualité de la personne qui réclame le placement, lorsque la demande n’a pas été reçue par le maire ou le commissaire de police. (3e alinéa du 1o de l’art. 8.)

§ 3. — Comment cesse le placement qu’un particulier a fait effectuer ?

65. Voies autres que la voie judiciaire. — 1o Ordre du préfet. « Le préfet, dit l’art. 16 de la loi du 30 juin 1838, pourra toujours ordonner la sortie immédiate des personnes placées volontairement dans les établissements d’aliénés. »

Ce pouvoir s’exerce d’une manière absolue, nonobstant l’opposition des médecins de l’établissement, nonobstant l’opposition du tuteur ou de la famille.

66. Il peut arriver que le placement ait été ordonné par le conseil de famille d’un interdit (art. 510 du C. civ.) ou même par le tribunal, jugeant sur le pourvoi formé contre la délibération du conseil de famille. (Art. 883, 884 et 889 du C. de P. c.)

Nous pensons que ce placement lui-même devrait cesser sur l’ordre du préfet. Les circonstances et l’état de l’interdit peuvent en effet avoir complétement changé depuis la délibération du conseil de famille ou le jugement du tribunal ; et l’ordre du préfet aura au moins l’utilité de provoquer, de la part du conseil de famille et du tribunal, un nouvel examen, une nouvelle décision.

67. Le placement d’un enfant mineur, effectué par le père, devrait également céder à un ordre du préfet. Ce n’est en effet que dans des formes toutes spéciales (art. 375 et suiv. du C. civ.) que le père peut, en vertu de sa seule autorité, faire détenir ou renfermer l’enfant mineur.

68. 2o Déclaration des médecins. Dès que les médecins de l’établissement attestent que la guérison est obtenue, on doit cesser de retenir la personne placée dans l’établissement d’aliénés. (Art. 13 de la loi.)

Cette déclaration produit évidemment son effet, nonobstant toute opposition, ou de la personne qui a fait le placement, ou de la famille de l’aliéné. La seule circonstance qui, en pareil cas, pût mettre un obstacle légal à la sortie, ce serait un ordre du préfet qui, comme nous le verrons, peut transformer le placement volontaire en un placement d’office, et mettre dès lors, au point de vue de la sortie, la personne détenue sous l’empire des règles particulières qui régissent les placements ordonnés par l’autorité publique et que nous exposerons plus loin. (Nos 98 et suiv.)

69. 3o Réquisition de la sortie par la famille de l’aliéné. Cette réquisition détermine la sortie avant même que les médecins aient déclaré la guérison. Un ordre du maire, intervenu sur l’avis du médecin, peut néanmoins en suspendre l’effet pendant un délai de quinzaine, donné au maire pour qu’il se pourvoie, s’il le juge nécessaire, devant le préfet et provoque la transformation du placement volontaire en un placement d’office (art. 14).

70. Les premières rédactions du projet de loi portaient seulement que la sortie pourrait être requise par la famille. On sentit bientôt la nécessité de préciser cette indication, de restreindre aux plus proches parents le droit de s’emparer d’une personne, peut-être malade encore, dont les passions et la faiblesse offrent une proie facile aux mauvais desseins ; enfin, d’établir une sorte de hiérarchie entre les divers membres de la famille, pour que, dans le cas où des désaccords se produiraient dans son sein, la conduite à tenir fût toujours nettement indiquée pour le directeur.

71. Certaines personnes ont droit de réquisition dans tous les cas, et sont investies d’un pouvoir égal.

Ce sont :

1o Le curateur à la personne de l’aliéné, qu’aux termes de l’art. 38 de la loi, le tribunal peut nommer en chambre du conseil, avec la double mission de veiller : 1o à ce que les revenus de l’aliéné soient employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison ; 2o à ce que cet individu soit rendu au libre exercice de ses droits aussitôt que son état le permettra.

2o L’époux ou l’épouse.

3o Toute personne autorisée par le conseil de famille à requérir la sortie.

72. Il suffit (sous la réserve que nous avons indiquée au commencement et qui s’applique aux effets des réquisitions de tous les membres quelconques de la famille), il suffit, disons-nous, de la réquisition de l’une de ces trois personnes pour déterminer la sortie ; et leur dissentiment se résout dans le sens de la liberté.

73. Rien de plus conforme à l’esprit de nos lois civiles, que de placer au premier rang, lorsqu’il s’agit de désigner en quelles mains résidera le pouvoir sur la personne de l’aliéné, l’époux, qui en cas d’interdiction serait tuteur de droit (art. 506 du C. civ.) ; l’épouse, que la loi désire, en pareil cas, voir nommer tutrice et qu’elle ne s’est abstenue d’instituer tutrice de droit, qu’à raison de son inexpérience probable des affaires (art. 507, Exposé des motifs et rapports sur le titre de l’interdiction) ; un délégué du conseil de famille qui représente la famille entière et en représente tous les pouvoirs (art. 394 et 510) : un délégué du tribunal, gardien suprême de la liberté individuelle, des droits et des intérêts des familles. (Art. 883 et suiv. C. de P. ; art. 29 de la loi du 30 juin 1838.)

74. Comme le curateur à la personne, comme l’époux et comme le délégué du conseil de famille,