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presque offrir l’image encore agrandie de l’organisation intellectuelle hispano-américaine. Les rimes enflammées qui jaillissent de la vive peinture des femmes de Stamboul, de Bassora et de Trébizonde ; le portrait de la baigneuse Sara, ont des accents d’analogie évidents avec ce que l’on sait de l’existence toute passionnée qui règne aux colonies. C’est qu’aujourd’hui, comme avant, l’image de la femme semble y flotter à chaque pas, s’y suspendre à toutes les lianes comme un sylphe, y dormir dans tous les hamacs ; sa voix caresse à travers toutes les brises, et ses mains vous attirent dans la nuit. La femme est mêlée comme l’air à la respiration. On lui dit avec Hafiz :

       Oh ! permets, charmante fille,
    Que j’enveloppe mon cou avec tes bras.

La muse qui s’est éveillée au commencement de ce siècle chez les peuples des contrées sud de l’Amérique, nous paraît communiquer aux mots cette véhémente puissance de l’image, de l’épithète, plus énergique, on le sait, aux contrées du soleil ; chaque mot ne reçoit-il pas de la pensée sa coloration rouge, rose, ou pâle ? Or, la poésie créole boit et s’infuse la vie dans la nature exubérante qu’elle entreprend avant tout de décrire ; et, nous le répétons, par les mœurs dont elle implique les tableaux, par son allure héroïque et son rayonnement, elle nous semble relever d’une façon directe de l’orientalisme.

Marc de Montifaud.