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— C’est la guerre, te dis-je ! Lorsque j’ai quitté l’Allemagne, il y a huit jours, je savais que la guerre était certaine.

— Mais alors, demanda Jules, pourquoi ces négociations ? Et pourquoi le gouvernement allemand fait-il semblant de s’entremettre dans le conflit qui a éclaté entre l’Autriche et la Serbie ? Ne serait-il pas plus simple de déclarer la guerre tout de suite ?

— Notre gouvernement, reprit Hartrott avec franchise, préfère que ce soient les autres qui la déclarent. Le rôle d’attaqué obtient toujours plus de sympathie que celui d’agresseur, et il justifie les résolutions finales, quelque dures qu’elles puissent être. Au surplus, nous avons chez nous beaucoup de gens qui vivent à leur aise et qui ne désirent pas la guerre ; il convient donc de leur faire croire que ce sont nos ennemis qui nous l’imposent, pour que ces gens sentent la nécessité de se défendre. Il n’est donné qu’aux esprits supérieurs de comprendre que le seul moyen de réaliser les grands progrès, c’est l’épée, et que, selon le mot de notre illustre Treitschke, la guerre est la forme la plus haute du progrès.

Selon Hartrott, la morale avait sa raison d’être dans les rapports des individus entre eux, parce qu’elle sert à rendre les individus plus soumis et plus disciplinés ; mais elle ne fait qu’embarrasser les gouvernements, pour qui elle est une gêne sans profit. Un État ne doit s’inquiéter ni de vérité ni de men-