Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaissait que le moment n’était pas encore venu de penser à tout cela et que, pour aujourd’hui, il ne s’agissait que du continent européen.

— Ne nous faisons pas d’illusions, poursuivit-il sur un ton de tristesse hautaine. À cette heure, le monde n’est ni assez clairvoyant ni assez sincère pour comprendre et apprécier nos bienfaits. J’avoue que nous avons peu d’amis. Comme nous sommes les plus intelligents, les plus actifs, les plus capables d’imposer aux autres notre culture, tous les peuples nous considèrent avec une hostilité envieuse. Mais nous n’avons pas le droit de faillir à nos destins, et c’est pourquoi nous imposerons à coups de canon cette culture que l’humanité, si elle était plus sage, devrait recevoir de nous comme un don céleste.

Jusqu’ici Jules, impressionné par l’autorité doctorale avec laquelle Hartrott formulait ses affirmations, n’avait presque rien dit. D’ailleurs, l’ex-professeur de tango était mal préparé à soutenir une discussion sur de tels sujets avec le savant professeur tudesque. Mais, agacé de l’assurance avec laquelle son cousin raisonnait sur cette guerre encore problématique, il ne put s’empêcher de dire :

— En somme, pourquoi parler de la guerre comme si elle était déjà déclarée ? En ce moment, des négociations diplomatiques sont en cours et peut-être tout finirait-il par s’arranger.

Le docteur eut un geste d’impatience méprisante.