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au surplus, il était membre d’un « séminaire historique », c’est-à-dire d’une société savante qui se consacrait à la recherche des documents inédits et qui avait pour président un historien fameux. Le jeune professeur portait à la boutonnière la rosette d’un ordre étranger.

Le respect de Jules pour le savant de la famille n’allait pas sans quelque mélange de dédain : c’était sa façon de se venger de ce pédant qu’on lui proposait sans cesse pour modèle. Selon lui, un homme qui ne connaissait la vie que par les livres et qui passait son existence à vérifier ce qu’avaient fait les hommes d’autrefois, n’avait aucun droit au titre de sage, alors surtout que de telles études ne tendaient qu’à confirmer les Allemands dans leurs préjugés et dans leur outrecuidance. En somme, que fallait-il pour écrire sur un minime fait historique un livre énorme et illisible ? La patience de végéter dans les bibliothèques, de classer des milliers de fiches et de les recopier plus ou moins confusément. Dans l’opinion du peintre, son cousin Julius n’était qu’une manière de « rond-de-cuir », c’est-à-dire un de ces individus que désigne plus pittoresquement encore le terme populaire d’outre-Rhin : Sitzfleisch haben. La première qualité de ces savants-là, c’est d’être assez bien rembourrés pour qu’il leur soit possible de passer des journées entières le derrière sur une chaise.

Le docteur expliqua l’objet de sa visite. Venu à