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mœurs patriarcales. Les châtelains de Villeblanche partirent donc pour Berlin, et ils y demeurèrent trois mois, afin de donner à Jules le temps de perdre ses déplorables habitudes.

Pourtant le pauvre Marcel ne se plaisait guère dans la capitale prussienne. Quinze jours après son arrivée, il avait déjà une terrible envie de prendre la fuite. Non, jamais il ne s’entendrait avec ces gens-là ! Très aimables, d’une amabilité gluante et visiblement désireuse de plaire, mais si extraordinairement dépourvue de tact qu’elle choquait à chaque instant. Les amis des Hartrott protestaient de leur amour pour la France ; mais c’était l’amour compatissant qu’inspire un bébé capricieux et faible, et ils ajoutaient à ce sentiment de commisération mille souvenirs fâcheux des guerres où les Français avaient été vaincus. Au contraire, tout ce qui était allemand, — un édifice, une station de chemin de fer, un simple meuble de salle à manger, — donnait lieu à d’orgueilleuses comparaisons :

— En France vous n’avez pas cela… En Amérique vous n’avez jamais rien vu de pareil…

Marcel rongeait son frein ; mais, pour ne pas blesser ses hôtes, il les laissait dire. Quant à Luisa et à Chichi, elles ne pouvaient se résigner à admettre que l’élégance berlinoise fût supérieure à l’élégance parisienne ; et Chichi scandalisa même ses cousines en leur déclarant tout net qu’elle ne pouvait souffrir