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tait ; mais, en somme, l’important était que le jeune homme eût une profession. Marcel lui-même n’avait-il pas été sculpteur ? Peut-être le talent artistique, étouffé chez le père par la pauvreté, se réveillait-il aujourd’hui chez le fils. Qui sait si ce garçon un peu paresseux, mais vif d’esprit, ne deviendrait pas un grand peintre ? Marcel avait donc cédé au caprice de Jules qui, quoiqu’il n’en fût encore qu’à ses premiers essais de dessin et de couleur, lui demanda une installation à part, afin de travailler avec plus de liberté, et il avait consenti à l’installer rue de la Pompe, dans un atelier qui avait appartenu à un peintre étranger d’une certaine réputation. Cet atelier, avec ses annexes, était beaucoup trop grand pour un peintre en herbe ; mais la rue de la Pompe était près de l’avenue Victor-Hugo, et, au surplus, cela aussi était une excellente « occasion » : les héritiers du peintre étranger offraient à Marcel de lui céder en bloc, à un prix doux, l’ameublement et l’outillage professionnel.

Si Jules avait conçu l’idée de conquérir la renommée par le pinceau, c’était parce que cette entreprise lui semblait assez facile pour un jeune homme de sa condition. Avec de l’argent et un bel atelier, pourquoi ne réussirait-il pas, alors que tant d’autres réussissent sans avoir ni l’un ni l’autre ? Il se mit donc à peindre avec une sereine audace. Il aimait la peinture mièvre, élégante, léchée : — une peinture molle comme une