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troubles de la grande Révolution, comme la noblesse à parchemins s’enorgueillit de faire remonter le sien aux croisades. Son aïeul avait été conventionnel, et son père avait joué un rôle dans la république de 1848. Lui-même, en sa qualité de fils de proscrit mort en exil, s’était attaché très jeune encore à Gambetta, et il parlait sans cesse de la gloire du maître, espérant qu’un rayon de cette gloire se refléterait sur le disciple. Lacour avait un fils, René, alors élève de l’École centrale. Ce fils trouvait son père « vieux jeu », souriait du républicanisme romantique et humanitaire de ce politicien attardé ; mais il n’en comptait pas moins sur la protection officielle que lui vaudrait le zèle républicain des trois générations de Lacour, lorsqu’il aurait en poche son diplôme. Marcel se sentit très honoré des attentions que lui témoigna le « grand homme » ; et le « grand homme », qui ne dédaignait pas la richesse, accueillit avec plaisir dans son intimité ce millionnaire qui possédait, de l’autre côté de l’Atlantique, des pâturages immenses et des troupeaux innombrables.

L’aménagement du château historique et l’amitié du sénateur auraient rendu Marcel parfaitement heureux, si ce bonheur n’eût été un peu troublé par la conduite de Jules. En arrivant à Paris, Jules avait changé tout à coup de vocation ; il ne voulait plus être ingénieur, il voulait être peintre. D’abord le père avait résisté à cette fantaisie qui l’étonnait et l’inquié-