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douzaines. Celui pour lequel Marcel se décida fut celui de Villeblanche-sur-Marne, édifié au temps des guerres de religion, moitié palais et moitié forteresse, avec une façade italienne de la Renaissance, des tours coiffées de bonnets pointus, des fossés où nageaient des cygnes. Les pièces de l’habitation étaient immenses et vides. Comme ce serait commode pour y déverser le trop-plein du mobilier entassé dans l’appartement de l’avenue Victor-Hugo et y loger les nouveaux achats ! De plus, ce milieu seigneurial ferait valoir les objets anciens qu’on y mettrait. Il est vrai que les bâtiments exigeraient des réparations d’un prix exorbitant, et ce n’était pas pour rien que plusieurs propriétaires successifs s’étaient hâtés de revendre le château historique. Mais Marcel était assez riche pour s’offrir le luxe d’une restauration complète ; sans compter qu’il nourrissait dans le secret de son cœur un regret tacite de ses exploitations argentines et qu’il se promettait à lui-même de faire un peu d’élevage dans son parc de deux cents hectares.

L’acquisition de ce château lui procura une flatteuse amitié. Il entra en relations avec un de ses nouveaux voisins, le sénateur Lacour, qui avait été deux fois ministre et qui végétait maintenant au Sénat, muet dans la salle des séances, remuant et loquace dans les couloirs. C’était un magnat de la noblesse républicaine, un aristocrate du régime démocratique. Il s’enorgueillissait d’un lignage remontant aux