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marché une chose chère qui lui devenait indifférente dès le lendemain. Il n’était ni assez connaisseur ni assez érudit pour s’intéresser vraiment et de façon durable à ses collections plus ou moins artistiques, et cette passion d’acheter toujours n’était chez lui que l’innocente manie d’un homme riche et désœuvré.

Au bout d’un an ou deux, l’appartement, tout vaste qu’il était, ne suffit plus pour contenir ce musée hétéroclite, formé au hasard des « bonnes occasions ». Mais ce fut encore une « bonne occasion » qui vint en aide au millionnaire. Un marchand de biens, de ceux qui sont à l’affût des étrangers opulents, lui offrit le remède à cette situation gênante. Pourquoi n’achetait-il pas un château ? L’idée plut à toute la famille : un château historique, le plus historique possible, compléterait heureusement leur installation. Chichi en pâlit d’orgueil : plusieurs de ses amies avaient des châteaux dont elles parlaient avec complaisance. Luisa sourit à la pensée des mois passés à la campagne, où elle retrouverait quelque chose de la vie simple et rustique de sa jeunesse. Jules montra moins d’enthousiasme : il appréhendait un peu les « saisons de villégiature » où son père l’obligerait à quitter Paris ; mais, en somme, ce serait un prétexte pour y faire de fréquents retours en automobile, et il y aurait là une compensation.

Quand le marchand de biens vit que Marcel mordait à l’hameçon, il lui offrit des châteaux historiques par