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entière avait été si laborieuse, souffrait de son inaction et ne savait que faire de ses journées.

La coquetterie de Chichi le sauva. Le luxe ultramoderne de l’appartement qu’ils occupaient parut froid et glacial à la jeune fille, qui engagea son père à y mettre un peu de variété. Le hasard les amena à l’Hôtel Drouot, où Marcel trouva l’occasion d’acheter à bon compte quelques jolis meubles. Ce premier succès l’allécha, et, comme il s’ennuyait à ne rien faire, il prit l’habitude d’assister à toutes les grandes ventes annoncées par les journaux. Bientôt sa fille et sa femme se plaignirent de l’inondation d’objets fastueux, mais inutiles, qui envahissaient le logis. Des tapis magnifiques, des tentures précieuses couvrirent les parquets et les murs ; des tableaux de toutes les écoles, dans des cadres étourdissants, s’alignèrent sur les lambris des salons ; des statues de bronze, de marbre, de bois sculpté, encombrèrent tous les coins ; les nombreuses vitrines s’emplirent d’une infinité de bibelots coûteux, mais disparates ; peu à peu l’appartement prit l’aspect d’un magasin d’antiquaire ; il y eut des ferronneries d’art et des chefs-d’œuvre de cuivre repoussé jusque dans la cuisine. Comment Marcel aurait-il tué le temps, s’il avait renoncé à fréquenter l’Hôtel Drouot ? Il savait bien que toutes ses emplettes ne servaient à rien, sinon à lui donner le vague plaisir de faire presque quotidiennement quelque découverte et d’acquérir à bon