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l’intention de rentrer dans ma sphère, c’est-à-dire de regagner l’Europe, et par conséquent je veux disposer de mes biens.

Marcel le regarda en face et vit un Karl qu’il ne connaissait pas encore, un Karl dont il ne soupçonnait pas même l’existence.

— Fort bien, répondit-il. À chacun sa part. Cela me paraît juste.

Karl Hartrott s’empressa de vendre toutes les terres qui lui appartenaient, pour employer ses capitaux en Allemagne ; puis, avec sa femme et ses enfants, il repassa l’Atlantique et vint s’établir à Berlin.

Marcel continua quelques années encore à administrer sa propre fortune ; mais il le faisait maintenant avec peu de goût. Le rayon de son autorité s’était considérablement rétréci par le partage, et il enrageait d’avoir pour voisins des étrangers, presque tous Allemands, devenus propriétaires des terrains achetés à Karl. D’ailleurs il vieillissait et sa fortune était faite : l’héritage recueilli par sa femme représentait environ vingt millions de pesos. Qu’avait-il besoin d’en amasser davantage ?

Bref, il se décida à affermer une partie de ses terres, confia l’administration du reste à quelques-uns des légataires du vieux Madariaga, hommes de confiance qu’il considérait un peu comme de la famille, et se transporta à Buenos-Aires où il voulait surveiller son fils qui, sorti du collège, menait une