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humble, aussi soumis, aussi obséquieux qu’auparavant.

Quant à Jules et à Chichi, leurs parents, pour les soustraire aux gâteries séniles de Madariaga, les avaient mis, le premier dans un collège, la seconde dans un pensionnat religieux de Buenos-Aires. Ni l’un ni l’autre n’y travaillèrent beaucoup : habitués à la liberté des espaces immenses, ils s’y ennuyaient comme dans une geôle. Ce n’était pas que Jules manquât d’intelligence ni de curiosité ; il lisait quantité de livres, n’importe lesquels, sauf ceux qui lui auraient été utiles pour ses études ; et, les jours de congé, avec l’argent que son grand-père lui prodiguait en cachette, il faisait l’apprentissage prématuré de la vie d’étudiant. Chichi, elle non plus, ne s’appliquait guère à ses études ; vive et capricieuse, elle s’intéressait beaucoup plus à la toilette et aux élégances citadines qu’aux mystères de la géographie et de l’arithmétique ; mais elle avait le meilleur caractère du monde, gai, primesautier, affectueux.

Madariaga, privé de la présence de ces enfants, était comme une âme en peine. Plus qu’octogénaire, ayant l’oreille dure et la vue affaiblie, il s’obstinait encore à chevaucher, malgré les supplications de Luisa et de Marcel qui redoutaient un accident ; bien plus, il prétendait faire seul ses tournées, se mettait en fureur si on lui offrait de le faire accompagner par un domestique. Il partait donc sur une