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l’avaient fait passer devant un jury d’honneur qui l’avait expulsé de l’armée. Ses frères et ses amis avaient alors conseillé à cet homme flétri de se faire sauter la cervelle ; mais il aimait trop la vie et il avait préféré fuir en Amérique, avec l’espoir d’y acquérir une fortune qui effacerait les taches de son passé.

Or, un certain jour, Madariaga surprit derrière un bouquet de bois, près de la maison, « la romantique » pâmée dans les bras de son maître de piano. Il y eut une scène terrible, et le père, qui avait déjà son couteau à la main, aurait indubitablement tué Karl, si celui-ci, plus jeune et plus rapide, n’avait pris la fuite. Après cette tragique aventure, Héléna, redoutant la colère paternelle, s’enferma dans une chambre haute et y passa une semaine entière sans se montrer. Puis elle s’enfuit de la maison et alla rejoindre son beau chevalier Tristan.

Madariaga fut au désespoir ; mais, contrairement aux prévisions de Marcel, ce désespoir ne se manifesta ni par des violences ni par des vociférations. La robustesse et la vivacité du vieux centaure avaient cédé sous le coup, et souvent, chose extraordinaire, ses yeux se mouillaient de larmes.

— Il me l’a enlevée ! Il me l’a enlevée ! répétait-il d’un ton désolé.

Grâce à cette faiblesse inattendue, Marcel finit par obtenir un accommodement. Il n’y arriva pas de prime