Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

meublé un salon dont elles prenaient grand soin, mais où, malgré leurs protestations, il apportait à chaque instant le désordre de ses rudes habitudes. Les opulents tapis s’attristaient des vestiges de boue imprimés par les bottes du centaure ; la cravache traînait sur une console dorée ; les échantillons de maïs éparpillaient leurs grains sur la soie d’un divan où ces demoiselles osaient à peine s’asseoir. Dans le vestibule, près de la porte, il y avait une bascule ; et, un jour qu’elles lui avaient demandé de la faire transporter dans les dépendances, il entra presque en fureur. Il serait donc obligé de faire un voyage toutes les fois qu’il voudrait vérifier le poids d’une peau crue ?

Luisa, l’aînée, qu’on appelait Chicha, à la mode américaine, était la préférée de son père.

— C’est ma pauvre Chinoise toute crachée, disait-il. Aussi bonne et aussi travailleuse que sa mère, mais beaucoup plus dame.

Marcel n’avait pas la moindre velléité de contredire cet éloge, qu’il aurait plutôt trouvé insuffisant ; mais il avait de la peine à admettre que cette belle fille pâle, modeste, aux grands yeux noirs et au sourire d’une malice enfantine, eut la moindre ressemblance physique avec l’estimable matrone qui lui avait donné le jour.

Héléna, la cadette, était d’un tout autre caractère, Elle n’avait aucun goût pour les travaux du ménage