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somme dans ses affaires. Eh bien, il veut me rendre les trois cent mille francs, et même, quoique cela doive le gêner beaucoup, il veut me les rendre aussitôt après le divorce. Par moments, j’ai comme un remords du mal que je lui ai fait. Il est si bon, si honnête !

— Mais moi ? interrompit Jules, vexé de cette délicatesse inopportune.

— Oh ! toi, tu es mon bonheur ! s’écria-t-elle avec un transport d’amour. Il y a des situations cruelles ; mais qu’y faire ? Chacun doit vivre sa vie, sans s’inquiéter des ennuis qui peuvent en résulter pour les autres. Être égoïste, c’est le secret du bonheur.

Elle garda un instant le silence ; puis, comme si ces pensées lui étaient pénibles, elle sauta brusquement à un autre sujet.

— Toi qui es si bien instruit de toutes choses, crois-tu à la guerre ? Tout le monde en parle ; mais j’imagine que cela finira par s’arranger.

Jules la confirma dans cet optimisme. Lui non plus, il ne croyait pas à la guerre.

— Notre temps, reprit Marguerite, ne permet plus ces sauvageries. J’ai connu des Allemands bien élevés qui, sans aucun doute, pensent comme toi et moi. Un vieux professeur qui fréquente chez nous expliquait hier à ma mère qu’à notre époque de progrès les guerres ne sont plus possibles. Au bout de deux mois à peine on manquerait d’hommes ; au bout de