Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— As-tu pensé beaucoup à moi ? reprit-elle. Ne m’as-tu pas trompée ? Dis-moi la vérité : tu sais que, quand tu mens, je m’en aperçois tout de suite.

— Je n’ai pas cessé un instant de penser à toi ! répondit-il en mettant sa main sur son cœur, comme s’il prêtait serment devant un juge d’instruction. Et toi, qu’as-tu fait pendant que j’étais en Amérique ?

Ce disant, il lui prit une main qu’il caressa ; puis il essaya doucement d’introduire un doigt entre le gant et la peau satinée. En dépit de la discrétion de ce geste, le monsieur qui lisait son journal remarqua le manège et jeta vers eux des regards indignés. Faire des niaiseries amoureuses dans un jardin public, alors que l’Europe était menacée d’une pareille catastrophe !

Marguerite repoussa la main trop audacieuse et parla de ce qu’elle avait fait en l’absence de Jules. Elle s’était ennuyée beaucoup ; elle avait tâché de tuer le temps ; elle était allée au théâtre avec son frère ; elle avait eu plusieurs conférences avec son avocat, qui l’avait renseignée sur la marche à suivre pour le divorce.

— Et ton mari ? demanda Jules.

— Ne parlons pas de lui, veux-tu ? Le pauvre homme me fait pitié. Il est si bon, si correct ! Mon avocat m’assure qu’il consent à tout, qu’il ne veut susciter aucune difficulté. Tu sais que je lui ai apporté une dot de trois cent mille francs et qu’il a mis cette