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boutons gonflés de sève, et, sous les premières caresses du soleil, les pointes vertes des blés annonçaient qu’en dépit des haines et des massacres la nature nourricière continuait à élaborer pour les hommes les inépuisables ressources de la vie.

— Nous y sommes, dit le guide.

Alors Marcel, Luisa et Chichi mirent aussi pied à terre, et la promenade funèbre commença entre les tombes. René et le sous-officier allaient devant, déchiffraient les inscriptions, s’arrêtaient un moment devant celles qui étaient difficiles à lire, puis continuaient leurs recherches. Chichi marchait à quelques pas derrière eux, taciturne et sombre. Marcel et Luisa les suivaient de loin, péniblement, les pieds lourds de terre molle, les jambes flageolantes, le cœur serré. Une demi-heure s’écoula sans que l’on trouvât rien. Toujours des noms inconnus, des croix anonymes, des inscriptions qui indiquaient les chiffres d’autres régiments. Les deux vieillards ne tenaient plus debout et commençaient à désespérer de retrouver la tombe de leur fils. Ce fut Chichi qui tout à coup poussa un cri :

— La voilà !

Ils se réunirent devant un monceau de terre qui avait vaguement la forme d’un cercueil et qui commençait à se couvrir d’herbe. Il y avait au chevet une croix sur laquelle un compagnon d’armes avait gravé avec la pointe de son couteau le nom de « Desnoyers »,