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attaché à une fabrique de munitions jusqu’à la fin de la guerre.

René avait sur ses genoux la carte du champ de bataille et posait des questions au sous-officier. Celui-ci ne reconnaissait pas bien les lieux où s’était livré le combat : il avait vu ce terrain bouleversé par des rafales d’obus et couvert d’hommes ; la solitude et le silence le désorientaient.

L’automobile avança entre les groupes épars des sépultures, d’abord par le grand chemin uni et jaunâtre, puis par des chemins transversaux qui n’étaient que de tortueuses fondrières, des bourbiers aux ornières profondes, où la voiture sautait rudement sur ses ressorts.

— Que de morts ! répéta Chichi en considérant la multitude des croix qui défilaient à droite et à gauche.

Luisa, les yeux baissés, égrenait son chapelet et murmurait machinalement :

— Ayez pitié d’eux, Seigneur ! Ayez pitié d’eux, Seigneur !

Ils étaient arrivés à l’endroit où avait eu lieu le plus terrible de la bataille, la lutte à la mode antique, le corps à corps hors des tranchées, la mêlée farouche où l’on se bat avec la baïonnette, avec la crosse du fusil, avec le couteau, avec les poings, avec les dents. Le guide commençait à se reconnaître, indiquât différents points de l’horizon. Là-bas étaient