une importante séance où l’on craignait que le ministère fût mis en minorité, — eut le regret de ne pas accompagner ses amis dans leur triste pèlerinage.
L’automobile avançait lentement, sous le ciel livide d’une matinée d’hiver. De tous côtés, dans le lointain de la campagne grise, on apercevait des palpitations de choses blanches réunies par grands ou par petits groupes, et qui auraient évoqué l’idée d’énormes papillons voletant par bandes sur la campagne, si la rigueur de la saison n’avait rendu cette hypothèse impossible. À mesure que l’on approchait, ces palpitations blanches semblaient se colorer de teintes nouvelles, se tacher de rouge et de bleu. C’étaient de petits drapeaux qui, par centaines, par milliers, frémissaient au souffle du vent glacial. La pluie en avait délavé les couleurs ; l’humidité en avait rongé les bords ; de quelques-uns il ne restait que la hampe, à laquelle pendillait un lambeau d’étoffe. Chaque drapeau abritait une petite croix de bois, tantôt peinte en noir, tantôt brute, tantôt formée simplement de deux bâtons.
— Que de morts ! soupira Marcel en promenant ses regards sur la sinistre nécropole.
Marcel, Luisa et Chichi étaient en grand deuil. René, qui accompagnait sa femme, portait encore l’uniforme de l’armée active ; malgré ses blessures, il n’avait pas voulu quitter le service, et il avait été