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il avait eu le plaisir de causer avec Argensola des bonnes nouvelles que les journaux publiaient depuis plusieurs jours. Les Français avaient commencé en Champagne une offensive qui leur avait valu une forte avance et beaucoup de prisonniers. Sans doute ces succès avaient dû coûter de lourdes pertes en hommes ; mais cela ne donnait aucun souci à Marcel, parce qu’il était persuadé que Jules ne se trouvait pas sur cette partie du front. La veille, il avait reçu de son fils une lettre rassurante écrite huit ou dix jours auparavant ; car presque toutes les lettres arrivaient alors avec un long retard. Le sous-lieutenant s’y montrait de bonne et vaillante humeur ; il était déjà proposé pour les deux galons d’or, et son nom figurait au tableau de la Légion d’honneur.

— Je vous l’avais bien dit ! répétait Argensola. Vous serez le père d’un général de vingt-cinq ans, comme au temps de la Révolution.

Lorsqu’il rentra chez lui, un domestique lui dît que, en l’absence de Luisa, M. Lacour et M. René l’attendaient seuls au salon. Dès le premier coup d’œil, l’attitude solennelle et la mine lugubre des visiteurs l’avertirent qu’ils étaient venus pour une communication pénible.

— Eh bien ? leur demanda-t-il d’une voix subitement altérée par l’angoisse.

— Mon pauvre ami…