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bon parti, c’est-à-dire le parti de l’amour fidèle et du noble dévouement. Si son « petit soldat » avait été maltraité par la guerre, c’était une raison de plus pour qu’elle l’entourât d’une tendresse consolatrice et protectrice.

Dès que René fut autorisé à sortir de l’hôpital, Chichi voulut l’accompagner avec sa mère à la promenade. Si, quand ils traversaient une rue, un chauffeur ou un cocher ne retenaient pas leur voiture pour laisser passer l’infirme, elle leur jetait un regard furibond et les traitait mentalement « d’embusqués ». Elle palpitait de satisfaction et d’orgueil lorsqu’elle échangeait un salut avec des amies, et ses yeux leur disaient : « Oui, c’est mon fiancé, un héros ! » Elle ne pouvait s’empêcher de jeter de temps à autre un coup d’œil oblique sur la croix de guerre et sur l’uniforme de son compagnon. Elle tenait essentiellement à ce que cet uniforme, défraîchi et taché par le service du front, ne fût remplacé par un autre que le plus tard possible : car le vieil uniforme était un certificat de valeur guerrière, tandis que l’uniforme neuf aurait pu suggérer aux passants l’idée d’un emploi dans les bureaux. Non, non ; cette croix-là, son « petit soldat » ne l’avait pas gagnée au ministère de la Guerre !

— Appuie-toi sur moi ! répétait-elle à tout moment.

René se servait encore d’une canne, mais il commençait à marcher sans difficulté. Elle n’en exigeait